Le Conseil de surveillance confirme les décisions de Meta dans les cas Règles de vote de la Commission électorale australienne
9 mai 2024
Le Conseil de surveillance a confirmé les décisions de Meta de supprimer deux publications Facebook différentes contenant la même capture d’écran d’informations publiées sur X par la Commission électorale australienne (AEC), avant le référendum australien sur la voix des indigènes au Parlement. Les deux publications ont enfreint la règle du Standard de la communauté relatif aux attaques coordonnées et à la promotion d’actions criminelles qui interdit les contenus appelant à une participation illégale à un processus électoral. Ces cas montrent comment des informations sorties de leur contexte peuvent avoir un impact sur le droit de vote des citoyens. Le Conseil recommande à Meta d’expliquer plus clairement ses règles en matière de fraude électorale et/ou de fraude au recensement en publiant sa définition du « vote illégal ».
À propos des cas
Le 14 octobre 2023, l’Australie a organisé son référendum sur la voix des indigènes au Parlement. Quelques jours auparavant, un utilisateur de Facebook avait publié dans un groupe une capture d’écran d’une publication X provenant du compte officiel de l’AEC. Les informations présentées sont les suivantes : « If someone votes at two different polling places within their electorate, and places their formal vote in the ballot box at each polling place, their vote is counted » (Si une personne vote dans deux bureaux de vote différents au sein de son électorat et dépose son vote formel dans l’urne de chaque bureau de vote, son vote est comptabilisé). En outre, un autre commentaire repris par l’utilisateur du même fil de discussion X, explique que le secret du vote empêche la Commission électorale indépendante de « knowing which ballot paper belongs to which person » (savoir quel vote appartient à telle personne), tout en précisant que « the number of double votes received is incredibly low » (le nombre de votes doubles reçus est incroyablement faible). Cependant, la capture d’écran ne montre pas toutes les informations communiquées par l’AEC, notamment le fait que le vote multiple constitue un délit. La légende de la publication indiquait : « vote early, vote often, and vote NO. » (votez tôt, votez souvent et votez NON)
Une seconde publication partagée par un autre utilisateur de Facebook contenait la même capture d’écran, mais avec une superposition de texte contenant la déclaration suivante : « so you can vote Multiple times. They are setting us up for a ‘Rigging’ … smash the voting centres … it’s a NO, NO, NO, NO, NO. » (pour que vous puissiez voter plusieurs fois ... ils nous préparent à un « trucage » ... détruisez les bureaux de vote ... c’est NON, NON, NON, NON, NON).
Le référendum sur la voix a demandé aux Australiens si la Constitution devait être amendée pour donner une plus grande représentation au Parlement aux Aborigènes et aux insulaires du détroit de Torres.
Le vote est obligatoire en Australie, et l’AEC fait état d’un taux de participation d’environ 90 % pour toutes les élections et tous les référendums depuis 1924. Le vote multiple est illégal et constitue une forme de fraude électorale.
Après que les systèmes automatisés de Meta ont détecté les deux publications, les équipes d’examen manuel les ont supprimées pour infraction à la politique de Meta en matière d’attaques coordonnées et de promotion d’actions criminelles. Les deux utilisateurs ont fait appel.
Principales observations
Le Conseil estime que les deux publications ont enfreint la règle relative aux attaques coordonnées et à la promotion d’actions criminelles qui interdit les contenus « préconisant, fournissant des instructions ou démontrant l’intention explicite de participer illégalement à un processus de vote ou de recensement ». Dans le premier cas, la déclaration « vote often » (votez souvent) combinée aux informations de l’AEC sur le dépouillement des votes multiples, est un appel clair à s’engager dans un vote illégal. Le fait de voter deux fois est une forme de « vote illégal », selon les règles internes de Meta. Dans le second cas, l’utilisation de l’expression « smash the voting centres » (détruisez les bureaux de vote) ainsi que le reste du texte superposé, peuvent être interprétés comme une incitation à inonder les bureaux de vote de votes multiples. Aucune de ces publications ne bénéficie des exceptions prévues par la politique dans des contextes de condamnation, de sensibilisation, de reportage, ou dans des contextes humoristiques ou satiriques. En ce qui concerne plus particulièrement la sensibilisation, les publications ne relèvent pas de cette exception puisqu’ils vont au-delà de la discussion de la publication X de l’AEC et qu’elles décontextualisent l’information pour laisser entendre que l’AEC affirme qu’il est autorisé de voter plus d’une fois.
Empêcher les utilisateurs d’appeler d’autres personnes à commettre des fraudes électorales est un objectif légitime de la protection du droit de vote. Le Conseil considère le discours politique comme une composante essentielle des processus démocratiques. Dans ces cas, les deux utilisateurs participaient directement au débat public suscité par le référendum, mais leurs appels à des comportements illégaux avaient une incidence sur les droits politiques des personnes vivant en Australie, en particulier le droit de vote. Ainsi, si les appels à « vote No » (votez Non) sont des discours politiques protégés, les expressions « vote often » (votez souvent) et « smash the voting centres » (détruisez les bureaux de vote) relèvent d’une autre problématique. Le Conseil estime que Meta a eu raison de protéger les processus démocratiques en empêchant les tentatives de fraude électorale de circuler sur ses plateformes, étant donné les fréquentes allégations selon lesquelles le référendum sur la voix était truqué.
Le Conseil reconnaît les efforts de Meta sur le référendum sur la voix. L’entreprise a identifié de manière proactive les contenus susceptibles d’enfreindre les règles d’ingérence dans les votes des Standards de la communauté relatifs aux attaques coordonnées et à la promotion d’actions criminelles. Les expressions « double vote » (double vote) et « vote multiple times » (vote multiple) sont les mots-clés qui ont activé le système de détection par mots-clés de l’entreprise dans ce cas. Selon Meta, le système est adapté aux contextes locaux. Sur la base des informations partagées, le Conseil note que des initiatives de ce type devraient être appliquées de manière cohérente dans le monde entier, dans les pays où se déroulent des élections, bien que Meta soit encouragée à développer des indicateurs de réussite pour évaluer l’efficacité de la détection basée sur les mots-clés.
Enfin, le Conseil estime que les règles du Standard relatif aux attaques coordonnées et à la promotion d’actions criminelles à l’intention du public ne sont pas suffisamment claires. Elles n’incluent pas ce qui est mis à la disposition des équipes d’examen dans les règles internes de Meta, à savoir les définitions de « vote illégal » de l’entreprise. Puisqu’il est essentiel que les utilisateurs puissent s’engager sur les réseaux sociaux pour discuter de questions d’intérêt public concernant les évènements démocratiques, Meta doit clairement informer les utilisateurs des règles.
Décision du Conseil de surveillance
Le Conseil de surveillance confirme la décision de Meta de supprimer le contenu dans les deux cas.
Le Conseil recommande à Meta ce qui suit:
- Incorporer sa définition de l’expression « vote illégal » dans le langage public de la politique relative aux attaques coordonnées et à la promotion d’actions criminelles, qui interdit les contenus « préconisant, fournissant des instructions ou démontrant une intention explicite de participer illégalement à un processus de vote ou de recensement, sauf s’ils sont partagés dans des contextes de condamnation, de sensibilisation, de reportage, ou dans des contextes humoristiques ou satiriques ».
Pour en savoir plus
Pour lire l’intégralité de la décision, cliquez ici.
Pour lire un résumé des commentaires publics relatifs à ce cas, cliquez ici.