Le Conseil de surveillance confirme la décision de Meta au sujet du cas sur les rapports sur le discours du parlement Pakistanais
4 avril 2024
Le Conseil de surveillance a confirmé la décision de Meta de conserver une publication partagée par un média pakistanais contenant la vidéo d’un homme politique prononçant un discours devant le Parlement du pays. Cette publication n’enfreint pas le Standard de la communauté relatif à la violence et à l’incitation, car elle relève de l’exception relative à la « sensibilisation ». En outre, les références de l’homme politique à des fonctionnaires sacrifiés ou « pendus » sont figuratives (non littérales) si l’on considère l’ensemble du discours, qui vise à attirer l’attention sur la crise politique pakistanaise et le manque de responsabilité au sein de l’establishment. En cette période de troubles et à la veille d’élections nationales, le Conseil considère qu’il est fondamental de protéger ce type de discours.
À propos du cas
En mai 2023, un média pakistanais indépendant a publié sur sa page Facebook la vidéo d’un homme politique pakistanais prononçant un discours en ourdou devant le Parlement du pays. Le discours fait référence à ce qu’il décrit comme une ancienne « tradition » égyptienne dans laquelle des personnes étaient sacrifiées pour contrôler les inondations du Nil. L’homme politique utilise cette référence pour exprimer ce qui, selon lui, devrait se passer dans le Pakistan d’aujourd’hui, rappelant également un discours précédent dans lequel il déclarait que le pays ne pourrait pas guérir tant que les fonctionnaires, y compris les militaires, n’auraient pas été « pendus ». L’homme politique s’implique lui-même et ses collègues parmi les fonctionnaires qui doivent être sacrifiés, affirmant qu’ils sont tous responsables de ce qu’il se passe. Son discours fait allusion à la crise politique actuelle, et critique le gouvernement et l’establishment militaire. La publication a été partagée environ 20 000 fois et a suscité 40 000 réactions.
Le média local a publié la vidéo avant les élections nationales qui devaient avoir lieu en 2023, mais qui ont été reportées au mois de février 2024. Le pays a connu une période de troubles politiques, marquée par une escalade de la confrontation entre l’ancien Premier ministre Imran Khan et l’establishment militaire, ainsi que des protestations politiques et une polarisation croissante. Des mesures de répression ont été prises à l’encontre des opposants politiques et au Baloutchistan, la province où le parti de cet homme politique est basé, et la répression du gouvernement a été particulièrement marquée.
Sur une période de trois mois en 2023, les systèmes automatisés de Meta ont identifié à 45 reprises la publication comme étant potentiellement en infraction. Deux personnes ayant procédé à un examen manuel ont ensuite pris des décisions différentes quant à la publication, l’une estimant qu’elle ne constituait pas une infraction et l’autre qu’elle enfreignait les règles de la politique en matière de violence et d’incitation. Comme le compte qui a partagé le contenu faisait partie du programme de vérification croisée de Meta, la publication a été marquée afin d’être soumise à un examen supplémentaire. Les spécialistes en politique et en la matière de Meta ont finalement estimé que la publication n’enfreignait pas les règles. Meta a transmis le cas au Conseil parce qu’il montre les tensions qui existent dans ses valeurs de liberté d’expression et de sécurité lorsqu’elles sont appliquées au discours politique.
Principales observations
Le Conseil estime que la publication n’enfreint pas le Standard de la communauté relatif à la violence et à l’incitation, car elle a été partagée par un média cherchant à informer d’autres personnes et relève donc de l’exception relative à la « sensibilisation ». Prononcé à l’approche des élections législatives, le discours de l’homme politique couvrait indubitablement des questions d’intérêt public, y compris des évènements relevant du domaine politique et public. Partagé pendant une période de troubles nationaux par un média local, le discours exigeait une protection « particulièrement élevée ». En outre, la légende de la publication n’approuvait ni ne soutenait le discours de l’homme politique, mais soulignait plutôt la forte réaction que le discours avait suscitée au Parlement.
Au moment où la publication a été partagée en mai 2023, l’exception relative à la « sensibilisation » ne figurait que dans les règles internes de Meta à l’intention des équipes d’examen, et non publiquement, mais elle a depuis été incluse dans les Standards de la communauté, conformément à l’une des recommandations précédentes du Conseil.
Ce dernier souligne également l’importance d’évaluer le contexte lors de l’application de la politique en matière de violence et d’incitation aux discours des personnalités politiques susceptibles d’inciter à la violence. Dans le cas présent, aucune menace crédible pouvant entraîner la mort n’était proférée dans la publication ; il s’agissait d’un reportage sur un homme politique utilisant le langage figuré pour commenter la crise politique au Pakistan. La comparaison entre la « pendaison » de fonctionnaires et le mythe égyptien du sacrifice est clairement une métaphore et une exagération politique, plutôt qu’une menace réelle. Les spécialistes consultés par le Conseil ont confirmé que les personnalités politiques pakistanaises utilisent couramment un langage très évocateur et provocateur pour attirer l’attention sur des questions qu’elles considèrent comme importantes. L’homme politique ne nomme aucune cible spécifique dans son discours ; au lieu de cela, il se réfère de manière générale aux fonctionnaires, notamment à lui-même. Considéré dans son intégralité, son discours appelle à une action urgente en matière de responsabilité des fonctionnaires tout en attirant l’attention sur des questions plus larges, notamment les violations des droits humains commises à l’encontre de la population du Baloutchistan.
Par conséquent, le Conseil considère qu’il est fondamental de protéger ce discours, à l’approche des élections.
La décision du Conseil de surveillance
Le Conseil de surveillance confirme la décision de Meta de conserver le contenu.
Le Conseil ne fait pas de nouvelles recommandations, mais réitère la recommandation no 1 de la décision du discours d’un général brésilien, afin de garantir que les discours ayant une grande valeur d’intérêt public à l’approche des élections puissent être préservés sur les plateformes de Meta. Plus précisément, le Conseil invite Meta à accélérer l’implémentation d’un cadre de référence « pour évaluer les efforts de l’entreprise en matière d’élections, y compris la création et le partage d’indicateurs ». Ceci est particulièrement important étant donné le grand nombre d’élections en 2024, y compris dans les pays de la majorité mondiale.
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