Le Conseil de surveillance annule la décision initiale de Meta sur le cas « Discours d’un général brésilien »

Le Conseil de surveillance a annulé la décision initiale de Meta de laisser en ligne sur Facebook une vidéo d’un général brésilien appelant le peuple à « descendre dans la rue » et à « se rendre au Congrès national et à la Cour suprême ». Bien que le Conseil reconnaisse que Meta a mis en place plusieurs mesures d’évaluation et d’atténuation des risques pendant et après les élections, étant donné le risque potentiel que ses plateformes soient utilisées pour encourager la violence dans le contexte des élections, Meta devrait continuellement accroître ses efforts pour prévenir, atténuer et résoudre les conséquences négatives. Le Conseil recommande à Meta d’élaborer un cadre d’évaluation de ses efforts en matière d’intégrité des élections afin d’éviter que ses plateformes ne soient utilisées pour promouvoir la violence politique.

À propos du cas

Les élections présidentielles brésiliennes d’octobre 2022 ont été très controversées, avec des réclamations en ligne et hors ligne, nombreuses et coordonnées, remettant en cause la légitimité des élections. Elles ont notamment appelé à une intervention militaire et à l’invasion des bâtiments gouvernementaux afin d’empêcher la transition vers un nouveau gouvernement. Le risque accru de violence politique n’a pas diminué avec l’entrée en fonction du nouveau président Luiz Inácio Lula da Silva le 1er janvier 2023, car les troubles civils, les manifestations et les campements devant les bases militaires se sont poursuivies.

Deux jours plus tard, le 3 janvier 2023, un utilisateur de Facebook a publié une vidéo relative aux élections brésiliennes de 2022. La légende en portugais comprend un appel à « assiéger » le Congrès brésilien en tant que « dernier recours ». La vidéo montre également une partie d’un discours prononcé par un éminent général brésilien qui soutient la réélection de l’ancien président Jair Bolsonaro. Dans la vidéo, le général en uniforme appelle le peuple à « descendre dans la rue » et à « se rendre au Congrès national ... [et à la] Cour suprême ». Le discours est suivi par une séquence d’images, notamment celle d’un incendie faisant rage sur la Place des Trois Pouvoirs à Brasilia, où se trouvent les bureaux présidentiels, le Congrès et la Cour suprême du Brésil. Le texte de l’image, en portugais, était le suivant : « Venez à Brasilia ! À l’assaut ! Assiégeons les trois pouvoirs. » Une autre image contient le texte « Nous voulons le code source », un slogan utilisé par les manifestants pour remettre en question la fiabilité des machines à voter électroniques du Brésil.

Le jour où le contenu a été publié, un utilisateur l’a signalé pour infraction au Standard de la communauté de Meta sur la violence et l’incitation, qui interdit les appels à une entrée par la force dans des lieux à haut risque. Au total, quatre utilisateurs ont signalé le contenu sept fois entre le 3 et le 4 janvier. À la suite du premier signalement, le contenu a été examiné par un examinateur de contenu qui a estimé qu’il n’enfreignait pas les politiques de Meta. L’utilisateur a fait appel de la décision, mais celle-ci a été confirmée par un second examinateur de contenu. Le lendemain, les six autres signalements ont été examinés par cinq modérateurs différents, qui ont tous conclu que le contenu n’enfreignait pas les politiques de Meta.

Le 8 janvier, des soutiens de l’ancien président Bolsonaro ont fait irruption au Congrès national, à la Cour suprême et dans les bureaux de la présidence situés sur la Place des Trois Pouvoirs à Brasília, se confrontant à la police et détruisant des biens. Le 9 janvier, Meta a déclaré que les émeutes du 8 janvier constituaient un « évènement en infraction » au titre de sa politique relative aux personnes et organisations dangereuses et a indiqué qu’elle supprimerait « le contenu qui soutient ou fait l’éloge de ces actions ». L’entreprise a également annoncé qu’elle avait « désigné le Brésil comme lieu à haut risque temporaire » et qu’elle avait « supprimé les contenus appelant à prendre les armes ou à envahir par la force le Congrès, le palais présidentiel et d’autres bâtiments fédéraux ».

À la suite de la sélection de ce cas par le Conseil, Meta a déterminé que ses décisions successives de laisser le contenu sur Facebook étaient une erreur. Le 20 janvier 2023, à la suite de la présélection de ce cas par le Conseil, Meta a supprimé le contenu.

Principales observations

Ce cas soulève des inquiétudes quant à l’efficacité des efforts de Meta en matière d’intégrité des élections dans le contexte des élections générales de 2022 au Brésil, et ailleurs. Bien que la contestation de l’intégrité des élections soit généralement considérée comme un discours protégé, dans certaines circonstances, des affirmations répandues visant à saper les élections peuvent conduire à la violence. Dans ce cas, l’intention de l’auteur, le contenu du discours et sa portée, ainsi que la probabilité d’un préjudice imminent dans le contexte politique du Brésil à l’époque, justifiaient tous la suppression de la publication.

Pour qu’une publication enfreigne les règles de Meta relatives à l’appel à l’entrée par la force dans des lieux à haut risque, le lieu doit être considéré comme « à haut risque » et se situer dans une zone ou un voisinage désigné séparément comme « lieu à haut risque temporaire ». Le message étant un appel sans ambiguïté à pénétrer par la force dans les bâtiments gouvernementaux situés sur la Place des Trois Pouvoirs à Brasília (« lieux à haut risque » situés dans un « lieu à haut risque temporaire », le Brésil), la décision initiale de Meta de laisser ce contenu affiché pendant une période de violence politique accrue représentait un écart manifeste par rapport à ses propres règles.

Le Conseil est profondément préoccupé par le fait que, malgré les troubles civils au Brésil au moment où le contenu a été publié et la prolifération généralisée de contenus similaires dans les semaines et les mois précédant les émeutes du 8 janvier, les modérateurs de contenu de Meta ont à plusieurs reprises considéré ce contenu comme n’étant pas en infraction et ne l’ont pas soumis à un examen plus approfondi. En outre, lorsque le Conseil a demandé à Meta des informations sur les réclamations spécifiques liées aux élections sur ses plateformes avant, pendant et après les élections brésiliennes, l’entreprise a expliqué qu’elle ne disposait pas de données sur la prévalence de ces réclamations. Le contenu en question a finalement été supprimé plus de deux semaines plus tard, alors que l’acte d’infraction qu’il appelait s’était déjà produit, et seulement après que le Conseil a porté le cas à l’attention de Meta.

En réponse à une question du Conseil, Meta a déclaré que l’entreprise n’adoptait pas de paramètres particuliers pour mesurer la réussite de ses efforts en matière d’intégrité des élections en général, au-delà de la communication de données sur les retraits de contenu, les vues et les clics sur les étiquettes électorales. Par conséquent, le Conseil estime que Meta devrait développer un cadre pour évaluer les efforts de l’entreprise en matière d’intégrité des élections et pour rendre compte au public sur ce sujet. L’objectif est de fournir à l’entreprise des données pertinentes pour améliorer son système de modération de contenu dans son ensemble et pour décider de la meilleure façon d’utiliser ses ressources dans les contextes électoraux. Sans ce type d’informations, ni le Conseil ni le public ne peuvent évaluer l’efficacité des efforts déployés par Meta en matière d’intégrité des élections plus globalement.

La décision du Conseil de surveillance

Le Conseil de surveillance a annulé la décision initiale de Meta de laisser la publication sur la plateforme.

Le Conseil recommande également à Meta de :

  • Élaborer un cadre pour l’évaluation de ses efforts en matière d’intégrité des élections. Il s’agit notamment de créer et de partager des indicateurs de réussite en matière d’intégrité des élections, y compris en ce qui concerne l’application par Meta de ses politiques de contenu et de son approche vis à vis des publicités.
  • Préciser dans son Espace modération qu’en plus du protocole de politique de crise, l’entreprise applique d’autres protocoles pour tenter de prévenir et de traiter les risques potentiels de préjudices survenant dans des contextes électoraux ou d’autres évènements à haut risque.

Pour en savoir plus

Pour lire l’intégralité de la décision, cliquez ici.

Pour lire un résumé des commentaires publics relatifs à ce cas, cliquez sur la pièce jointe ci-dessous.

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