Le Conseil de surveillance annule la décision initiale de Facebook : Cas 2021-009-FB-UA
14 septembre 2021
Le Conseil de surveillance estime que Facebook a eu raison de revenir sur sa décision initiale de supprimer la publication partagée sur Facebook, qui reprenait un article de presse au sujet d’une menace de violence proférée par les Brigades Izz al-Din al-Qassam, la branche armée de l’organisation palestinienne Hamas. Facebook avait initialement supprimé le contenu en vertu du Standard de la communauté relatif aux individus et aux organismes dangereux, puis l’a restauré après que le Conseil a décidé d’examiner ce cas. Le Conseil en conclut que la suppression du contenu n’a pas permis de réduire la violence hors ligne mais qu’elle a par contre restreint la liberté d’expression sur un sujet d’intérêt public.
À propos du cas
Le 10 mai 2021, un utilisateur de Facebook situé en Égypte et suivi par plus de 15 000 abonné(e)s a partagé une publication originaire de la Page vérifiée d’Al Jazeera Arabic. Cette publication comportait une photo et un texte écrit en arabe.
La photo représente deux hommes au visage masqué en uniforme militaire et portant un bandeau avec l’insigne des Brigades al-Qassam. Le texte était le suivant : « The resistance leadership in the common room gives the occupation a respite until 18:00 to withdraw its soldiers from Al-Aqsa Mosque and Sheikh Jarrah neighborhood otherwise he who warns is excused. Abu Ubaida – Al-Qassam Brigades military spokesman. » (Les chefs de la résistance de la Salle commune accordent à l’occupant jusqu’à 18h pour retirer ses soldats de la mosquée Al-Aqsa et du quartier Sheikh Jarrah. Sinon, l’auteur de cet avertissement est excusé. Abu Ubaida, porte-parole militaire des Brigades al-Qassam). L’utilisateur a partagé la publication d’Al Jazeera et a ajouté une légende en arabe d’un seul mot : « Ooh ». Aussi bien les Brigades al-Qassam que leur porte-parole Abu Ubaida sont considérés comme dangereux en vertu du Standard de la communauté Facebook relatif aux individus et aux organismes dangereux.
Facebook a supprimé le contenu parce qu’il enfreignait cette politique, et l’utilisateur a fait appel de cette décision auprès du Conseil. Suite à la sélection de ce cas par le Conseil, Facebook a conclu qu’elle avait eu tort de supprimer le contenu et l’a restauré.
Principales observations
Une fois le cas sélectionné par le Conseil, Facebook a estimé que le contenu n’enfreignait pas ses règles relatives aux individus et aux organismes dangereux, puisqu’il ne formulait pas d’éloges, ni de soutien, ni de représentation des Brigades al-Qassam ou du Hamas. Facebook n’a pas été en mesure d’expliquer pourquoi deux modérateurs avaient initialement jugé que le contenu enfreignait cette politique, ceux-ci n’étant pas tenus d’enregistrer leur raisonnement pour les décisions relatives aux contenus individuels.
Le Conseil prend note du fait que le contenu consiste en la republication d’un article de presse issu d’un organe légitime au sujet d’un sujet brûlant d’intérêt public. Facebook n’a jamais supprimé la publication originale d’Al Jazeera ainsi partagée, et la menace de violence proférée par les Brigades al-Qassam a par ailleurs été largement diffusée et signalée. De manière générale, les individus ont autant le droit de republier des articles de presse que les organes médiatiques ont le droit de les publier.
En l’espèce, l’utilisateur a expliqué que son objectif était d’informer ses abonné(e)s sur un sujet d’actualité important et que l’ajout de l’expression « Ooh » lui semblait être neutre. Par conséquent, le Conseil estime que la suppression du contenu de l’utilisateur n’a pas permis de réduire significativement la violence hors ligne.
En réponse aux allégations selon lesquelles Facebook a censuré le contenu palestinien sur demande du gouvernement israélien, le Conseil a posé quelques questions à Facebook, notamment pour savoir si l’entreprise avait reçu des demandes officielles et non officielles de la part de l’État d’Israël de supprimer le contenu relatif au conflit d’avril-mai. Facebook a répondu qu’elle n’avait pas reçu de demande légale valide d’une autorité gouvernementale au sujet du contenu de l’utilisateur en l’espèce, mais l’entreprise a refusé de fournir les autres informations requises par le Conseil.
Les commentaires publics soumis dans ce cas-ci contenaient des allégations selon lesquelles Facebook a supprimé ou rétrogradé de manière disproportionnée les contenus publiés par des utilisateurs palestiniens ou écrits en arabe, notamment par rapport au traitement que l’entreprise réserve aux publications menaçant les Arabes ou les Palestiniens de violence sur le territoire israélien. Parallèlement, Facebook a été la cible des critiques, qui l’accusent de ne pas prendre suffisamment de mesures pour supprimer le contenu incitant à la violence contre les civils israéliens. Le Conseil recommande un examen indépendant de ces problématiques importantes ainsi qu’une plus grande transparence concernant la manière dont l’entreprise traite les demandes gouvernementales.
La décision du Conseil de surveillance
Le Conseil de surveillance approuve la décision de Facebook de restaurer le contenu, sa suppression initiale n’étant pas fondée.
Dans un avis consultatif sur la politique, le Conseil recommande à Facebook de :
- Ajouter des critères et des exemples concrets à sa politique relative aux individus et aux organismes dangereux afin de permettre aux utilisateurs de mieux comprendre les exceptions accordées en cas de discussions neutres, de condamnation et de reportages ;
- Faire réaliser sous peu la traduction des mises à jour apportées aux Standards de la communauté dans toutes les langues disponibles ;
- Charger un organisme indépendant, n’étant associé à aucune des parties au conflit israélo-palestinien, d’effectuer un examen minutieux pour déterminer si les pratiques de Facebook en matière de modération des contenus publiés en arabe et en hébreu (notamment son utilisation de l’automatisation) sont appliquées en toute impartialité. Cet examen ne doit pas seulement se concentrer sur le traitement des contenus palestiniens ou pro-palestiniens, mais également sur les publications qui incitent à la violence, quelles que soient les cibles, leur nationalité, leur identité ethnique, leur religion ou leurs croyances, ou leurs opinions politiques. Il doit également passer en revue les contenus publiés par les utilisateurs de Facebook situés en territoire israélien, dans les territoires palestiniens occupés et en dehors. Le rapport et ses conclusions doivent être rendus publics.
- Mettre en place une procédure formelle et transparente pour recevoir toutes les demandes gouvernementales de suppression de contenus et pour y répondre, et assurer que lesdites demandes soient reprises dans les rapports de transparence. Les rapports de transparence doivent distinguer les demandes gouvernementales qui ont engendré la suppression de contenus pour infraction aux Standards de la communauté et les demandes gouvernementales qui ont engendré la suppression ou le blocage géographique de contenus pour infraction aux lois locales, en plus des demandes qui n’ont engendré aucune action.
Pour en savoir plus :
Pour lire l’intégralité de la décision sur le cas, cliquez ici.
Pour lire un résumé des commentaires publics relatifs à ce cas, cliquez sur la pièce jointe ci-dessous.