Le Conseil de surveillance annule la décision de Facebook : Cas 2021-007-FB-UA
11 août 2021
Le Conseil de surveillance a annulé la décision de Facebook de supprimer une publication en birman en vertu de son Standard de la communauté sur les discours incitant à la haine. Le Conseil a estimé que la publication ne ciblait pas le peuple chinois, mais l’État chinois. Elle employait en particulier des injures pour désigner la politique du gouvernement chinois à Hong Kong dans le cadre d’une discussion politique sur le rôle du gouvernement chinois au Myanmar.
À propos du cas
En avril 2021, un utilisateur de Facebook semblant se trouver au Myanmar a publié un contenu en birman sur son journal. La publication discutait des moyens de limiter le financement de l’armée du Myanmar suite au coup d’État survenu le 1er février 2021 dans le pays. Elle proposait que les recettes fiscales soient versées au Comité représentant l’Assemblée de l’Union (CRPH), un groupe de législateurs opposés au coup d’État. La publication a été vue environ un demi-million de fois et n’a été signalée par aucun utilisateur de Facebook.
Facebook a traduit la partie prétendument en infraction de la publication de l’utilisateur par « Hong Kong people, because the fucking Chinese tortured them, changed their banking to UK, and now (the Chinese) they cannot touch them » (« Puisque ces connards de Chinois les ont torturés, les habitants de Hong Kong ont transféré leurs opérations bancaires au Royaume-Uni et maintenant ils (les Chinois) ne peuvent plus rien faire contre eux »). Facebook a supprimé cette publication en vertu de son Standard de la communauté sur les discours incitant à la haine. Ce dernier interdit les contenus qui ciblent une personne ou un groupe de personnes sur la base de leur origine ethnique ou nationale en utilisant « des expressions ou des termes injurieux avec l’intention d’insulter ».
Les quatre examinateurs de contenu qui ont analysé la publication ont tous convenu qu’elle enfreignait les règles de Facebook. Dans son appel au Conseil, l’utilisateur a déclaré qu’il avait publié ce contenu pour « freiner un régime militaire brutal ».
Principales observations
Ce cas met en lumière l’importance que revêt le contexte dans la mise en application des politiques sur les discours incitant à la haine, ainsi que la nécessité de protéger les discours politiques. Ce point est particulièrement pertinent au Myanmar, étant donné le coup d’État survenu en février 2021 et le rôle clé de Facebook en tant que moyen de communication dans ce pays.
La publication employait l’expression birmane « $တရုတ်, » (ou « sout ta-yote »), que Facebook a traduite par « fucking Chinese » (« connards de Chinois »). D’après Facebook, le mot « ta-yote » « est considéré culturellement et linguistiquement comme pouvant se rapporter aussi bien à la République de Chine qu’au peuple chinois ». L’entreprise a affirmé qu’étant donné la nature de ce mot et le fait que l’utilisateur « n’a pas clairement indiqué que le terme se rapportait au pays ou au gouvernement chinois », elle estimait que « l’utilisateur faisait tout au moins référence au peuple chinois ». À ce titre, Facebook a supprimé la publication en vertu de son Standard de la communauté sur les discours incitant à la haine.
Puisqu’en birman, le même mot est utilisé pour désigner à la fois l’État et ses ressortissants, le contexte est essentiel pour comprendre l’intention de l’auteur. Plusieurs facteurs ont convaincu le Conseil que l’utilisateur ne visait pas le peuple chinois, mais bien l’État.
La partie de la publication qui enfreignait prétendument les règles de Facebook qualifie la politique financière pratiquée par la Chine à Hong Kong de « torture » ou de « persécution », et non les actions des personnes ou des Chinois au Myanmar. Les deux traducteurs du Conseil ont indiqué qu’en l’espèce, le mot « ta-yote » se rapportait à un État. Interrogés sur la possibilité d’une ambiguïté à cet égard, ils n’ont émis aucun doute. Les traducteurs du Conseil ont également déclaré que la publication contenait des termes couramment employés par le gouvernement du Myanmar et l’ambassade de Chine pour s’adresser l’un à l’autre. Par ailleurs, aucun utilisateur n’a signalé la publication alors que cette dernière a été vue par un demi-million de personnes et partagée plus de 6 000 fois. Les commentaires publics ont également décrit le ton général de la publication comme une discussion politique.
Étant donné que la publication ne ciblait pas des personnes sur la base de leur origine ethnique ou nationale, mais visait un État, le Conseil a estimé qu’elle n’enfreignait pas le Standard de la communauté Facebook sur les discours incitant à la haine.
Décision du Conseil de surveillance
Le Conseil de surveillance annule la décision de Facebook visant à supprimer le contenu et demande que la publication soit restaurée.
Dans un avis consultatif sur la politique, le Conseil recommande à Facebook de :
- S’assurer que ses standards internes de mise en application sont disponibles dans la langue dans laquelle les modérateurs de contenu examinent le contenu. S’il est nécessaire d’établir des priorités, Facebook doit d’abord se concentrer sur les contextes où les droits de l’homme sont le plus sérieusement menacés.
Pour en savoir plus :
Pour lire l’intégralité de la décision sur le cas, cliquez ici.
Pour lire un résumé des commentaires publics relatifs à ce cas, cliquez ici.