Confirmé
Vidéo de prisonniers de guerre arméniens
Le Conseil de surveillance a confirmé la décision de Meta de ne pas conserver une publication Facebook contenant une vidéo montrant des prisonniers de guerre identifiables et d’ajouter un écran d’avertissement « marquer comme dérangeante » à la vidéo.
Cette décision est également disponible en Arménien et en Azerbaïdjanais.
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Résumé du cas
Le Conseil de surveillance a confirmé la décision de Meta de ne pas conserver une publication Facebook contenant une vidéo montrant des prisonniers de guerre identifiables et d’ajouter un écran d’avertissement « marquer comme dérangeante » à la vidéo. Le Conseil a estimé que Meta avait correctement appliqué la marge de tolérance liée à la pertinence à la publication, qui aurait autrement été supprimée pour infraction au Standard de la communauté « Attaques coordonnées et promotion d’actions criminelles ». Toutefois, le Conseil recommande à Meta de renforcer les conseils internes relatifs à l’examen de ce type de contenu et d’élaborer un protocole pour la conservation et le partage des preuves de violations des droits de l’homme avec les autorités compétentes.
À propos du cas
En octobre 2022, un utilisateur de Facebook a publié une vidéo sur une page qui se présente comme documentant les crimes de guerre présumés commis par l’Azerbaïdjan contre les Arméniens dans le cadre du conflit du Haut-Karabakh. Ce conflit a repris en septembre 2020 et a dégénéré en combats en Arménie en septembre 2022, faisant des milliers de morts, et des centaines de disparus.
La vidéo commence par un avertissement d’âge inséré par l’utilisateur, indiquant qu’elle ne convient qu’aux personnes âgées de plus de 18 ans, et par un texte en anglais, qui dit « Stop Azerbaijani terror. The world must stop the aggressors. » (Arrêtez la terreur azerbaïdjanaise. Le monde doit arrêter les agresseurs.) La vidéo semble montrer une scène où des prisonniers de guerre sont capturés.
Elle montre plusieurs personnes qui semblent être des soldats azerbaïdjanais fouillant les décombres, leurs visages étant masqués numériquement par des carrés noirs. Ils trouvent dans les décombres des personnes décrites dans la légende comme étant des soldats arméniens, dont les visages ne sont ni masqués ni identifiables. Certains de ces soldats semblent blessés, d’autres semblent morts. La vidéo se termine par une personne invisible, peut-être la personne qui filme, criant continuellement des jurons et utilisant un langage injurieux en russe et en turc à l’encontre d’un soldat blessé assis sur le sol.
Dans la légende, qui est écrite en anglais et en turc, l’utilisateur dit que la vidéo montre des soldats azerbaïdjanais torturant des prisonniers de guerre arméniens. La légende met également en évidence l’accord gazier conclu en juillet 2022 entre l’Union européenne et l’Azerbaïdjan, qui prévoit de doubler les importations de gaz en provenance d’Azerbaïdjan d’ici à 2027.
Principales observations
Le Conseil estime que, bien que le contenu de ce cas soit contraire au Standard de la communauté relatif aux attaques coordonnées et à la promotion d’actions criminelles, Meta a correctement appliqué la marge de tolérance liée à la pertinence pour permettre au contenu de rester sur Facebook, et que le contenu de la vidéo nécessitait un écran d’avertissement « marquer comme dérangeante » en vertu du Standard de la communauté Contenu violent et explicite. Ces décisions étaient conformes aux valeurs de Meta et à ses responsabilités en matière de droits de l’homme.
Ce cas soulève d’importantes questions sur l’approche de Meta en matière de modération de contenu dans les situations de conflit, où la révélation de l’identité et de la localisation de prisonniers de guerre peut porter atteinte à leur dignité ou les exposer à un danger immédiat. Les préoccupations relatives à la dignité humaine sont importantes dans les situations où les prisonniers sont montrés dans des circonstances dégradantes ou inhumaines. En même temps, cette exposition peut éclairer le débat public et sensibiliser aux mauvais traitements potentiels, y compris les violations des droits de l’homme et du droit humanitaire international. Elle peut également créer une dynamique en faveur d’actions qui protègent les droits et garantissent la responsabilité. Meta est dans une position unique pour aider à la préservation des preuves qui peuvent être utiles pour poursuivre les crimes internationaux et soutenir les litiges en matière de droits de l’homme.
L’ampleur et la rapidité avec lesquelles les images de prisonniers de guerre peuvent être partagées via les réseaux sociaux compliquent la tâche consistant à résoudre ces intérêts divergents. Compte tenu des graves préjudices et risques auxquels sont confrontés les prisonniers de guerre, le Conseil estime que la règle par défaut de Meta interdisant la publication d’informations susceptibles de révéler l’identité ou la localisation de prisonniers de guerre est conforme aux responsabilités de l’entreprise en matière de droits de l’homme en vertu des principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme (principes directeurs des Nations Unies, commentaire du principe 12). Ces responsabilités sont accrues en période de conflit armé et doivent s’appuyer sur les règles du droit international humanitaire. Le Conseil partage l’avis de Meta selon lequel la valeur d’intérêt public du maintien du contenu sur la plateforme avec un écran d’avertissement l’emporte sur le risque pour la sécurité et la dignité des prisonniers de guerre.
Décision du Conseil de surveillance
Le Conseil de surveillance confirme la décision de Meta de maintenir la publication sur Facebook avec un écran d’avertissement « marquer comme dérangeante ».
Le Conseil recommande également à Meta de :
- Élaborer un protocole visant à préserver et, le cas échéant, à partager avec les autorités compétentes les informations destinées à faciliter les enquêtes et les procédures judiciaires visant à remédier aux crimes d’atrocité ou aux violations graves des droits de l’homme ou à engager des poursuites à leur encontre.
- Fournir des conseils supplémentaires aux équipes d’examen et aux équipes chargées de faire remonter des informations afin de mieux déterminer si les contenus révélant l’identité ou l’emplacement de prisonniers de guerre méritent d’être signalés et évalués.
- Ajouter un exemple de contenu ayant révélé l’identité ou la localisation de prisonniers de guerre mais qui a été laissé en ligne en raison de l’intérêt public, à son explication publique de la marge de tolérance liée à la pertinence dans l’Espace modération, afin d’offrir une plus grande clarté aux utilisateurs.
- Diffuser publiquement le protocole sur la conservation des preuves relatives aux atrocités et aux violations graves des droits de l’homme.
*Les résumés de cas fournissent une présentation du cas et n’ont pas valeur de précédent.
Décision complète sur le cas
1. Résumé de la décision
Le Conseil de surveillance confirme la décision de Meta de ne pas publier une publication Facebook contenant une vidéo montrant des prisonniers de guerre identifiables et d’ajouter un écran d’avertissement « marquer comme dérangeante » à la vidéo. Le Conseil a estimé que Meta avait correctement appliqué la marge de tolérance liée à la pertinence au contenu, qu’elle aurait autrement supprimé pour infraction au Standard de la communauté relatif aux attaques coordonnées et à la promotion d’actions criminelles en révélant l’identité de prisonniers de guerre dans le contexte d’un conflit armé. L’écran d’avertissement « marquer comme dérangeant » était requis en vertu du Standard de la communauté relatifs aux contenus violents et explicites. Ces décisions étaient conformes aux valeurs de Meta et à ses responsabilités en matière de droits de l’homme.
Ce cas, dont Meta a saisi le Conseil, soulève d’importantes questions sur l’approche de l’entreprise en matière de modération de contenu dans les situations de conflit, où la divulgation de l’identité ou de l’emplacement de prisonniers de guerre pourrait les exposer à un danger immédiat ou porter atteinte à leur dignité. Les préoccupations relatives à la dignité humaine peuvent être importantes dans les situations où les prisonniers sont montrés comme étant sans défense ou dans des circonstances humiliantes, engageant leur droit à la vie, à la sécurité et à l’intimité, et leur droit à ne pas être soumis à la torture, aux traitements inhumains et dégradants, ainsi que les droits de leur famille à l’intimité et à la sécurité. En même temps, cette exposition peut éclairer également le débat public et sensibiliser aux mauvais traitements potentiels, y compris les violations des droits de l’homme et du droit humanitaire. Elle peut également créer une dynamique en faveur d’actions qui protègent les droits et garantissent la responsabilité. Meta est également dans une position unique pour aider à la préservation des preuves qui peuvent être utilisées dans la poursuite des crimes internationaux et à l’appui des litiges en matière de droits de l’homme, que le contenu soit supprimé ou laissé en l’état.
L’ampleur et la rapidité avec lesquelles les images de prisonniers de guerre peuvent être partagées via les réseaux sociaux compliquent la tâche consistant à résoudre ces intérêts divergents. Compte tenu des graves préjudices et risques auxquels sont confrontés les prisonniers de guerre, le Conseil estime que la règle par défaut de Meta interdisant la publication d’informations susceptibles de révéler l’identité ou la localisation de prisonniers de guerre est conforme aux responsabilités de l’entreprise en matière de droits de l’homme en vertu des principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme (principes directeurs des Nations Unies, commentaire du principe 12), qui sont accrues en période de conflit armé et doivent s’inspirer des règles du droit international humanitaire. Le Conseil approuve l’évaluation de Meta selon laquelle la valeur d’intérêt public du maintien du contenu sur la plateforme avec un écran d’avertissement l’emporte sur le risque pour la sécurité et la dignité des prisonniers de guerre. Le maintien du contenu sur la plateforme était nécessaire pour garantir le droit du public à être informé des actes répréhensibles graves et, dans ce contexte spécifique, pour prévenir, atténuer et réparer les atteintes graves aux droits de l’homme grâce à la divulgation publique des actes répréhensibles.
Le Conseil recommande à Meta de fournir des conseils supplémentaires aux équipes d’examen et aux équipes d’escalation afin de garantir que les contenus révélant l’identité ou la localisation de prisonniers de guerre puissent être examinés au cas par cas par les personnes disposant de l’expertise nécessaire. Meta devrait élaborer des critères plus précis pour guider l’évaluation de la pertinence dans ces cas, critères qui devraient être partagés de manière transparente. Le Conseil demande à Meta de préserver et, le cas échéant, de partager avec les autorités compétentes les informations nécessaires aux enquêtes et aux procédures judiciaires visant à remédier aux graves violations du droit pénal international, des droits de l’homme et du droit humanitaire, ou à poursuivre les auteurs de ces violations.
2. Description du cas et contexte
En octobre 2022, un utilisateur de Facebook a publié une vidéo sur une page qui se présente comme documentant les crimes de guerre présumés commis par l’Azerbaïdjan contre les Arméniens dans le cadre du conflit du Haut-Karabakh. Ce conflit a repris en septembre 2020 lors de la deuxième guerre du Haut-Karabagh, qui a duré 44 jours, et a dégénéré en combats en Arménie en septembre 2022, faisant des milliers de morts, et des centaines de disparus.
Dans la légende, qui est écrite en anglais et en turc, l’utilisateur dit que la vidéo montre des soldats azerbaïdjanais torturant des prisonniers de guerre arméniens. La légende attire également l’attention sur l’accord gazier conclu en juillet 2022 entre l’Union européenne et l’Azerbaïdjan, qui prévoit de doubler les importations de gaz en provenance d’Azerbaïdjan d’ici à 2027 afin de réduire la dépendance de l’Europe à l’égard du gaz russe.
La vidéo commence par un avertissement d’âge inséré par l’utilisateur, indiquant qu’elle ne convient qu’aux personnes âgées de plus de 18 ans, et par un texte en anglais, qui dit « Stop Azerbaijani terror. The world must stop the aggressors. » (Arrêtez la terreur azerbaïdjanaise. Le monde doit arrêter les agresseurs.) La vidéo montre des soldats en train d’être détenus comme prisonniers de guerre. Elle montre plusieurs personnes qui semblent être des soldats azerbaïdjanais fouillant les décombres ; leurs visages ont été masqués numériquement par des carrés noirs. Ils trouvent dans les décombres des personnes décrites dans la légende comme étant des soldats arméniens ; leurs visages n’ont pas été masqués et sont identifiables. Certains de ces soldats semblent blessés, d’autres semblent morts. Ils tirent un soldat des décombres. Celui-ci crie de douleur. Son visage est visible et il paraît être blessé. La vidéo se termine par une personne invisible, potentiellement la personne qui filme, qui hurle continuellement des jurons et utilise un langage abusif en russe et en turc à l’encontre d’un soldat blessé assis sur le sol, lui demandant de se lever. L’individu tente de le faire. La page sur laquelle le contenu a été publié compte moins de 1 000 followers. Ce contenu a été vu moins de 100 fois et a reçu moins de 10 réactions. Elle n’a pas été partagée, ni signalée comme violente, par aucun utilisateur.
Meta informe le Conseil qu’elle surveille la situation car le conflit est en cours. L’équipe Global operations (opérations globales) de Meta s’est coordonnée avec l’équipe de sécurité de Meta pour effectuer une surveillance des risques qui comprenait le suivi des signaux externes (tels que les tendances sur les réseaux sociaux) liés à la question. Au cours de la surveillance, l’équipe de sécurité a trouvé des publications Twitter montrant une vidéo de soldats azerbaïdjanais torturant des prisonniers de guerre arméniens circulant en ligne, et a ensuite identifié la même vidéo sur Facebook dans ce cas. L’équipe de sécurité a envoyé la publication à Facebook pour un examen plus approfondi, un processus que Meta décrit comme une « escalation ». Lorsqu’un contenu fait l’objet d’une remontée, il est envoyé à d’autres équipes au sein de Meta pour un examen de la politique et de la sécurité. Dans ce cas, l’équipe global operations (opérations globales) de Meta a décidé de transmettre le contenu aux équipes chargées de la politique de Meta pour qu’elles l’examinent sous l’angle de la pertinence.
Après examen, dans les deux jours suivant la publication du contenu, Meta a accordé une marge de tolérance liée à la pertinence, ce qui permet de publier sur les plateformes de Meta des contenus qui pourraient autrement enfreindre ses politiques si l’intérêt public du contenu l’emporte sur le risque de préjudice. Les équipes spécialisées de Meta ne peuvent appliquer la marge de tolérance liée à la pertinence qu’après que le contenu a été soumis à des niveaux d’examen supplémentaires.
Dans le cadre d’un examen approfondi par les équipes politiques de Meta, un écran d’avertissement « marqué comme dérangeant » a été appliqué dans le cadre de la politique relative aux contenus violents et explicites, et le contenu a été ajouté à une banque de services de mise en correspondance des médias (MMS) pour la violence explicite, qui place automatiquement un écran d’avertissement sur la vidéo et les vidéos identiques identifiées sur la plateforme. Cependant, en raison d’une combinaison d’erreurs techniques et humaines, cette opération a échoué et a dû être complétée manuellement environ un mois plus tard.
Meta a renvoyé ce cas au Conseil, en déclarant qu’il démontre le défi nécessaire pour « trouver un équilibre entre la valeur de la sensibilisation à ces questions et le préjudice potentiel causé par la révélation de l’identité des prisonniers de guerre ». Meta a demandé au Conseil d’examiner si la décision de Meta d’autoriser ce contenu reflète un équilibre adéquat entre ses valeurs de « sécurité », de « dignité » et de « voix » et est conforme aux principes internationaux relatifs aux droits de l’homme.
3. Champ d’application et autorité du Conseil de surveillance
Le Conseil est compétent pour examiner les décisions que Meta lui présente pour examen (article 2, section 1 de la Charte ; article 2, section 2.1.1 des Statuts).
Le Conseil peut confirmer ou annuler la décision de Meta (article 3, section 5 de la Charte), et ce, de manière contraignante pour l’entreprise (article 4 de la Charte). Meta doit également évaluer la possibilité d’appliquer la décision à un contenu identique dans un contexte parallèle (article 4 de la Charte). Les décisions du Conseil peuvent inclure des avis consultatifs sur la politique avec des recommandations non contraignantes auxquelles Meta doit répondre (article 3, section 4 ; article 4 de la Charte). Lorsque Meta s’engage à donner suite aux recommandations, le Conseil surveille leur mise en œuvre.
4. Sources d’autorité et conseils
Les standards suivants et les précédents ont éclairé l’analyse du Conseil dans ce cas :
l. Décisions du Conseil de surveillance :
Les décisions antérieures les plus pertinentes du Conseil de surveillance comprennent :
- « Vidéo de harcèlement sexuel en Inde » (2022-012-IG-MR)
- « Vidéo après l’attaque d’une église au Nigeria » (2022-011-IG-UA)
- « Poème russe » (2022-008-FB-UA)
- « Vidéo explicite au Soudan » (2022-002-FB-MR)
- « Manifestations en Colombie » (2021-010-FB-UA)
- « Suspension de l’ancien président américain Trump » (2021-001-FB-FBR)
II. Règles de Meta relatives au contenu :
Le Standard de la communauté relatif aux attaques coordonnées et à la promotion des actions criminelles stipule, sous le titre « justification de la Politique », que « [d]ans le but de prévenir et de perturber le préjudice hors ligne et les comportements d’imitation, nous interdisons aux personnes de faciliter, d’organiser, de promouvoir ou d’admettre certaines activités criminelles ou nuisibles visant des personnes, des entreprises, des biens ou des animaux ». Il précise en outre que « nous autorisons les personnes à [...] attirer l’attention sur les activités nuisibles ou criminelles dont elles peuvent être témoins ou victimes, à condition qu’elles ne préconisent pas ou ne coordonnent pas le mal ». En vertu d’une règle ajoutée le 4 mai 2022, sous le titre « informations supplémentaires et/ou contexte à appliquer », Meta interdit spécifiquement « les contenus qui révèlent l’identité ou le lieu d’un prisonnier de guerre dans le contexte d’un conflit armé en partageant son nom, son numéro d’identification et/ou des images » et n’énumère pas d’exceptions spécifiques à cette règle.
Le Standard de la communauté relatif au contenu violent et explicite indique, sous la rubrique « justification de la politique », qu’elle existe pour « protéger les utilisateurs d’images dérangeantes ». La politique précise également que les « images montrant la mort violente d’une ou plusieurs personnes à la suite d’un accident ou d’un meurtre » et les « images montrant des actes de torture à l’égard d’une ou de plusieurs personnes » sont placées derrière un écran d’avertissement afin que « les utilisateurs soient conscients que le contenu peut être dérangeant », et que seuls les adultes âgés de 18 ans et plus sont en mesure de voir le contenu. La section « ne pas publier » des règles explique que les utilisateurs ne sont pas autorisés à publier des remarques sadiques sur des images qui nécessitent un écran d’avertissement en vertu de la politique.
L’analyse du Conseil s’est appuyée sur l’engagement de Meta en faveur de la « Liberté d’expression », que l’entreprise qualifie de « primordial », et sur ses valeurs de « sécurité », « Vie privée » et « Dignité ».
La marge de tolérance liée à la pertinence est une politique générale qui peut potentiellement s’appliquer à tous les domaines de politique des Standards de la communauté, y compris à la règle sur les prisonniers de guerre. La marge de tolérance liée à la pertinence est expliquée dans le cadre de « l’engagement de Meta pour la liberté d’expression. » Elle permet de maintenir sur la plateforme des contenus qui enfreignent la loi si l’intérêt public l’emporte sur le risque de préjudice. Selon l’approche du contenu pertinent de Meta, qui est liée à l’introduction des Standards de la communauté, de telles évaluations ne sont effectuées que dans de « rares cas », après une escalation vers l’équipe chargée de la politique de contenu. Cette équipe évalue si le contenu en question représente une menace imminente pour la santé ou la sécurité publique, ou s’il exprime une opinion actuellement débattue dans le cadre d’un processus politique. Cette évaluation tient compte des circonstances propres à chaque pays, y compris si le pays est en guerre. Bien que l’identité de l’intervenant soit une considération pertinente, l’autorisation n’est pas limitée au contenu publié par les médias.
III. Responsabilités de Meta en matière de droits humains
Les Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme des Nations Unies (PDNU), soutenus par le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies en 2011, établissent un cadre de travail volontaire pour les responsabilités relatives aux droits de l’homme des entreprises privées. En 2021, Meta a annoncé l’entrée en vigueur de sa Politique d’entreprise relative aux droits de l’homme, dans laquelle elle a réaffirmé son engagement à respecter les droits de l’homme conformément aux PDNU. De manière significative, les PDNU imposent une responsabilité accrue aux entreprises opérant dans un contexte de conflit (« Entreprises, droits de l’homme et régions touchées par des conflits : vers une action renforcée », A/75/212). L’analyse par le Conseil des responsabilités de Meta en matière de droits de l’homme dans ce cas s’est appuyée sur les normes internationales suivantes, y compris dans le domaine du droit international humanitaire (également connu sous le nom de « droit des conflits armés ») :
- Le droit à la liberté d’expression : l’article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), l’observation générale n° 34 du Comité des droits de l’homme, 2011 ; Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression, rapports A/68/362 (2013) ; A/HRC/38/35 (2018) ; A/74/486 (2019) ; A/77/288 (2022).
- Le droit à la vie : Article 6 du PIDCP.
- Le droit de ne pas être soumis à la torture ou à des traitements inhumains ou dégradants : Article 7 du PIDCP.
- Le droit à la vie privée : Article 17 du PIDCP.
- Protection des prisonniers de guerre contre les insultes et la curiosité publique : Article 13, paragraphe 2 de la Convention III relative au traitement des prisonniers de guerre ( Convention de Genève III), Commentaire de la Convention de Genève (III), Comité international de la Croix-Rouge (CICR), 2020 ( Commentaire de la Convention de Genève III).
5. Soumissions de l’utilisateur
À la suite du renvoi de Meta et de la décision du Conseil d’accepter le cas, l’utilisateur a reçu un message l’informant de l’examen du Conseil et lui donnant la possibilité de faire une déclaration au Conseil. L’utilisateur n’a pas émis de déclaration.
6. Soumissions de Meta
Meta a saisi le Conseil de ce cas « parce qu’elle met en lumière les défis auxquels [Meta] est confronté lorsqu’il s’agit de déterminer si la valeur d’un contenu pertinent l’emporte sur le risque de préjudice dans le contexte de la guerre et de la violence ». Bien que le contenu ait enfreint la politique de Meta en matière d’attaques coordonnées et de promotion d’actions criminelles, la marge de tolérance liée à la pertinence a été appliquée « afin de sensibiliser à la violence contre les prisonniers de guerre » dans le cadre du conflit entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie. Meta a déclaré que le cas était « important » en raison de son lien avec un conflit militaire en cours, et « difficile » parce qu’il nécessite de « trouver un équilibre entre la valeur de la sensibilisation à ces questions et le préjudice potentiel causé par la révélation de l’identité des prisonniers de guerre ».
Meta explique qu’elle interdit de « dénoncer » les prisonniers de guerre, mais que ses équipes d’escalation ont besoin d’un « contexte supplémentaire » pour faire respecter cette règle. Meta a ajouté cette règle pour refléter le fait qu’elle prend au sérieux la sécurité et la dignité des prisonniers de guerre, étant donné les risques d’utilisation de ses plateformes pour les exposer à la curiosité publique, notant à la fois les principes de la liberté d’expression de l’article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, et les conseils des Conventions de Genève. Le Conseil comprend que, pour que ces contenus soient supprimés, les équipes d’enquête internes doivent les signaler aux équipes internes de Meta pour qu’elles les examinent, ou les équipes d’examen à l’échelle doivent transmettre le contenu à ces équipes. Ces équipes sont en mesure de prendre en compte des facteurs contextuels extérieurs au contenu pour décider d’une mesure de mise en application. Le contenu ne sera supprimé par l’automatisation que s’il est identique ou presque identique au contenu que les équipes internes de Meta ont déjà jugé comme étant en infraction et ajouté aux banques de correspondance des médias.
En réponse aux questions du Conseil, Meta a confirmé que le contexte supplémentaire pris en compte pour identifier le contenu comme violant dans ce cas comprenait (i) les uniformes confirmant que les prisonniers identifiables étaient des soldats arméniens, et (ii) la connaissance du conflit en cours entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie. Le terme « prisonnier de guerre » est défini dans les conseils internes destinés aux équipes d’examen, appelés « Questions connues », comme « un membre des forces armées qui a été capturé ou qui est tombé aux mains d’une puissance opposée au cours d’un conflit armé ou immédiatement après ». Dans les Standards internes de mise en œuvre qui accompagnent cette règle, Meta explique que les contenus qui révèlent l’identité ou le lieu d’un prisonnier de guerre en partageant son prénom, son nom, son numéro d’identification et/ou des images identifiant son visage, même s’ils sont partagés dans « un contexte de condamnation ou de sensibilisation », doivent être supprimés.
En réponse aux questions du Conseil, Meta a noté que le Protocole de politique de crise, n’a pas été utilisé pendant la deuxième guerre du Haut-Karabakh ou les affrontements frontaliers actuels entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie. Le Protocole de politique de crise offre aux équipes d’examen de Meta des possibilités supplémentaires d’appliquer des politiques d’escalation uniquement, et a été créé en réponse à la recommandation du Conseil dans le cas de la « suspension de l’ancien président Trump ». Meta a expliqué qu’étant donné qu’il existe une politique permanente de suppression des contenus faisant l’apologie des prisonniers de guerre, le processus standard de l’équipe d’escalation interne qui supprime ces contenus n’aurait pas été modifié si le protocole avait été activé.
En ce qui concerne l’application de la marge de la tolérance liée à la pertinence, Meta déclare avoir procédé à un test d’équilibre qui met en balance l’intérêt public et le risque de préjudice, en tenant compte de plusieurs facteurs : (i) si le contenu représente une menace imminente pour la santé ou la sécurité publique ; (ii) si le contenu donne voix à des perspectives actuellement débattues dans le cadre d’un processus politique ; (iii) la nature du discours, y compris s’il est lié à la gouvernance ou à la politique ; (iv) la structure politique du pays, y compris s’il a une presse libre ; et (v) d’autres circonstances spécifiques au pays (par exemple, s’il y a une élection en cours, ou si le pays est en guerre).
Meta a reconnu la nature explicite de cette vidéo et les risques auxquels les prisonniers de guerre peuvent être confrontés lorsqu’ils sont identifiés sur les réseaux sociaux. En réponse aux questions du Conseil, Meta a reconnu que les membres de la famille et les amis peuvent être la cible d’ostracisme, de suspicion ou même de violence lorsque des prisonniers de guerre sont identifiés ou exposés. Meta a également noté que ce type d’images peut avoir divers effets sur les civils et les militaires, notamment en renforçant l’antagonisme envers l’autre camp et en intensifiant les préjugés. Meta a noté qu’un prisonnier de guerre qui est filmé en train de critiquer sa propre nation ou la conduite de son armée risque davantage d’être ostracisé et de subir des représailles à son retour chez lui que les prisonniers qui sont montrés en train d’être maltraités par l’ennemi. Dans le contexte de ce conflit, Meta n’a pas eu la preuve que les vidéos de ce type produisaient ces effets négatifs, mais a vu des preuves que les organisations internationales utilisaient ces vidéos pour accroître la pression sur l’Azerbaïdjan afin qu’il mette fin aux mauvais traitements infligés aux prisonniers de guerre. Compte tenu de la valeur potentielle d’intérêt public de ce contenu en termes de sensibilisation et de preuves d’éventuels crimes de guerre, Meta a conclu que, vu son intérêt médiatique général, la suppression de ce contenu ne serait pas une mesure proportionnée.
Meta a également ajouté que le contenu qui identifie des témoins, des informateurs, des otages ou d’autres personnes détenues peut être supprimé en vertu du Standard de la communauté relatif aux attaques coordonnées et à la promotion d’actions criminelles, si la connaissance publique de la détention peut accroître les risques pour leur sécurité. Le contenu identifiant ou dénonçant des personnes peut également être supprimé en vertu de la politique relative aux atteintes à la vie privée lorsque des informations personnelles identifiables sont partagées sur les plateformes de Meta. Enfin, la politique relative au contenu violent et explicite se serait appliquée même si les victimes n’étaient pas des prisonniers de guerre, car, en vertu de cette politique, Meta tient compte à la fois de la dignité et de la sécurité des victimes de la violence et du fait que les utilisateurs peuvent ne pas vouloir voir ce contenu.
En réponse aux questions du Conseil, Meta a également fourni des exemples de la manière dont elle applique la règle de la marge de tolérance liée à la pertinence aux contenus identifiant les prisonniers de guerre de manière plus générale. Par exemple, Meta a informé le Conseil qu’elle supprime généralement les contenus qui révèlent l’identité des prisonniers de guerre en Éthiopie, mais qu’elle détermine au cas par cas si certains contenus méritent d’être signalés. Parmi les facteurs pris en compte dans l’application de la marge de tolérance liée à la pertinence dans les cas précédents, on peut citer le fait que le contenu (i) rende compte de la capture de combattants de haut rang, tels que des officiers supérieurs ou des chefs de groupes armés ; (ii) révèle l’identité d’un prisonnier lorsqu’il est potentiellement dans son intérêt de le faire (par exemple lorsqu’il a été porté disparu) ; ou (iii) sensibilise le public à d’éventuelles violations des droits de l’homme. Meta a également déclaré qu’elle avait accordé des marges de tolérance liée à la tolérance pour « laisser un contenu qui montre des [prisonniers de guerre] russes en Ukraine ».
Meta a également indiqué qu’elle évaluait le contenu à sa valeur nominale, à moins que l’authenticité ne soit remise en question, qu’il n’y ait des indicateurs de manipulation des médias ou que le contexte ne permette de conclure à la fausseté de l’information. Dans ce cas, Meta n’a vu aucune indication que ses politiques de fausses informations étaient engagées.
Le Conseil a posé 16 questions à Meta. Les questions portaient sur l’application de la marge de tolérance liée à la pertinence, les facteurs d’évaluation du contexte dans la décision de Meta et l’application du protocole de politique de crise. Meta a répondu aux 16 questions.
7. Commentaires publics
Le Conseil de surveillance a reçu 39 commentaires publics pertinents pour ce cas. Un commentaire a été soumis par l’Asie-Pacifique et l’Océanie, trois par l’Asie centrale et l’Asie du Sud, 23 par l’Europe, quatre par le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord et huit par les États-Unis et le Canada.
Les soumissions ont porté sur les thèmes suivants : le contexte du conflit du Haut-Karabakh et les récentes escalades ; l’application du droit international humanitaire à la modération du contenu révélant l’identité ou l’emplacement des prisonniers de guerre ; les préoccupations concernant le contenu sur les réseaux sociaux montrant les visages des prisonniers de guerre ; les impacts négatifs et positifs potentiels qui peuvent résulter de l’abandon ou de la suppression du contenu représentant des prisonniers de guerre ; les mécanismes indépendants préservant les preuves potentielles de crimes internationaux ; la coopération entre les entreprises de réseaux sociaux, les organisations de la société civile et les mécanismes de justice internationale ; les préoccupations relatives à la vérification du contenu vidéo ; les suggestions opérationnelles/techniques sur la manière de maintenir le contenu sur les plateformes de réseaux sociaux et de protéger la sécurité et la dignité des prisonniers de guerre ; le potentiel de ce contenu pour aider à prévenir d’autres atrocités, et le droit du public à être informé des mauvais traitements infligés aux prisonniers de guerre.
Pour lire les commentaires publics transmis pour ce cas, veuillez cliquer ici.
En avril 2023, dans le cadre de l’engagement continu des parties prenantes, le Conseil a consulté des représentants d’organisations de défense, des universitaires, des organisations intergouvernementales et d’autres spécialistes sur les questions relatives à la modération des contenus représentant des prisonniers de guerre. Une table ronde a été organisée dans le cadre de la règle de Chatham House. L’accent a été mis sur les motivations, les facteurs de risque potentiels et les avantages de la publication de contenus représentant des prisonniers de guerre identifiables, ainsi que sur les moyens de trouver un équilibre entre les avantages de la sensibilisation à la violence à l’encontre des prisonniers de guerre et le préjudice potentiel causé par la révélation de l’identité de ces derniers. Les points de vue exprimés lors de cette réunion ont été précieux et le Conseil remercie tous les participants.
8. Analyse du Conseil de surveillance
Le Conseil a analysé les politiques de contenu, les responsabilités en matière de droits de l’homme et les valeurs de Meta afin de déterminer si ce contenu devait être maintenu avec un écran d’avertissement. Le Conseil a également évalué les implications de ce cas pour l’approche plus large de Meta en matière de gouvernance des contenus, en particulier dans les situations de conflit et de crise.
Le Conseil a choisi ce cas pour évaluer les politiques et les pratiques de Meta en matière de modération des contenus représentant des prisonniers de guerre identifiables. En outre, ce cas permet au Conseil d’examiner le respect par Meta de ses responsabilités en matière de droits de l’homme dans les situations de crise et de conflit en général.
8.1 Respect des politiques relatives au contenu de Meta
Le Conseil estime que, bien que le contenu soit contraire au Standard de la communauté relatif aux attaques coordonnées et à la promotion d’actions criminelles, Meta a correctement appliqué la marge de tolérance liée à la pertinence pour permettre au contenu de rester sur Facebook, et que le contenu de la vidéo nécessitait un écran d’avertissement « marquer comme dérangeante » en vertu du Standard de la communauté Contenu violent et explicite.
I. Règles relatives au contenu
Attaques coordonnées et promotion d’actions criminelles
Le Conseil estime qu’en l’espèce, le contenu exposait l’identité de prisonniers de guerre, grâce aux images de la vidéo qui montraient les visages de soldats arméniens détenus. Il a donc clairement enfreint la règle interdisant ce type de contenu dans le Standard de la communauté relatif aux attaques coordonnées et à la promotion des actions criminelles.
Reconnaissant que l’application de cette règle nécessite des informations et/ou un contexte supplémentaires, le Conseil convient avec Meta que les uniformes des soldats indiquaient que les personnes dont le visage était visible étaient des membres des forces armées arméniennes. Le contexte de la guerre indiquait que ces soldats étaient détenus par les forces armées azerbaïdjanaises opposées, ce qui correspondait à la définition de « prisonnier de guerre » figurant dans les orientations internes de Meta à l’intention des équipes d’examen. Ces informations étaient suffisantes pour conclure que le contenu était contraire à la règle interdisant les contenus révélant l’identité des prisonniers de guerre par le partage d’images.
Tolérance d’intérêt médiatique
Le Conseil estime que l’intérêt public de la vidéo l’emporte sur les risques potentiels de préjudice, et qu’il était approprié que les équipes d’escalation ayant accès à l’expertise et à des informations contextuelles supplémentaires, y compris les tendances inter-plateformes, appliquent la marge de tolérance liée à la pertinence pour maintenir le contenu sur la plateforme. Bien qu’il ne soit pas présumé que le discours d’une personne soit intrinsèquement pertinent, l’évaluation de la marge de tolérance liée à la pertinence tient compte de divers facteurs, y compris les circonstances propres au pays et la nature du discours et de l’intervenant. Dans de tels cas, Meta devrait procéder à un examen approfondi afin de mettre en balance l’intérêt public, notamment le droit du public à être informé des actes répréhensibles graves et la possibilité de prévenir, d’atténuer et de réparer les atteintes graves aux droits de l’homme par la divulgation publique des actes répréhensibles, et les risques d’atteinte à la vie privée, à la dignité, à la sécurité et à la liberté d’expression, conformément aux normes internationales en matière de droits de l’homme, telles qu’elles figurent dans la politique de Meta relative aux droits de l’homme dans l’entreprise.
L’application de la marge de tolérance liée à la pertinence dans une situation aussi complexe et évolutive qu’un conflit armé nécessite une évaluation contextuelle au cas par cas afin d’atténuer les risques et de garantir l’accès du public à des informations importantes. Les facteurs identifiés par Meta dans son évaluation, détaillés à la section 6, étaient tous pertinents pour évaluer le risque de préjudice grave résultant de la diffusion de la vidéo par rapport aux effets négatifs qui pourraient résulter de la suppression de ce type de contenu. L’absence de preuves de l’utilisation de vidéos de ce type dans ce conflit particulier pour aggraver les mauvais traitements infligés aux détenus, associée à des tendances claires selon lesquelles des contenus similaires sont principalement disponibles sur les réseaux sociaux et très pertinents pour les campagnes et les procédures judiciaires visant à faire reconnaître la responsabilité de crimes graves, a milité en faveur du maintien de ces contenus sur la plateforme.
Le Conseil souligne qu’il est important que Meta dispose de systèmes permettant d’obtenir le type d’informations très spécifiques au contexte requis pour permettre une évaluation rapide, au cas par cas, des préjudices potentiels, en tenant compte des responsabilités de Meta en matière de droits de l’homme.
Contenu violent et explicite
Après avoir décidé que le contenu devait être laissé en place en vertu de la marge de tolérance liée à la pertinence, le Conseil estime que la nature violente et explicite de la vidéo justifiait l’imposition d’un écran d’avertissement « marquer comme dérangeant », qui a pour double fonction d’avertir les utilisateurs de la nature explicite du contenu et de limiter la possibilité de voir le contenu aux adultes âgés de plus de 18 ans. Bien que Meta n’ait pas précisé la ligne de conduite sur laquelle elle s’est appuyée pour imposer cet écran, le Conseil estime que deux règles ont été appliquées.
Tout d’abord, la vidéo montre ce qui semble être des cadavres de soldats arméniens gisant dans les décombres. Si les règles internes destinées aux modérateurs excluent les violences commises par un ou plusieurs membres du personnel en uniforme exerçant une fonction de police, auquel cas un écran d’avertissement « marquer comme sensible » serait appliqué, les règles internes définissent en outre la « fonction de police » comme « le maintien de l’ordre public par le contrôle des foules et/ou la détention de personnes » et précisent que « la guerre n’est pas considérée comme une fonction de police ». Étant donné que le contenu concerne une situation de conflit armé, le Conseil estime qu’il était conforme aux politiques de Meta d’ajouter un écran d’avertissement « marquer comme dérangeant ».
Le Conseil note que la vidéo s’inscrit dans une deuxième ligne politique puisqu’elle montre des actes répondant à la définition de la torture de Meta à l’encontre de personnes. Aux fins de l’application de la politique de Meta, les règles internes destinées aux modérateurs définissent les images de « torture » comme (i) les images d’une personne en position dominée ou retenue de force et l’un des éléments suivants : (a) une arme est pointée sur la personne ; (b) il y a des preuves de blessures sur la personne ; ou (c) la personne est soumise à des violences ; ou (ii) des images d’une personne soumise à des actes humiliants. Meta définit en outre la « position dominée » comme « toute position, y compris lorsque la victime est à genoux, acculée ou incapable de se défendre » et la « contrainte » comme « le fait d’être physiquement attaché, ligoté, enterré vivant ou retenu de toute autre manière contre sa volonté ». Notant que la définition de « torture » de Meta est beaucoup plus large que le terme tel qu’il est compris dans le droit international, le Conseil estime qu’il était conforme aux règles de Meta d’appliquer l’écran « marquer comme dérangeant » et les restrictions d’âge qui l’accompagnent. Conformément aux conseils internes, il existe suffisamment d’indicateurs dans le contenu pour montrer que des personnes sont détenues contre leur gré et qu’elles ne sont pas en mesure de se défendre. En outre, plusieurs détenus semblaient blessés, tandis que d’autres semblaient décédés.
8.2 Respect des responsabilités de Meta en matière des droits de l’homme
Le Conseil estime que la décision de Meta de laisser le contenu affiché est conforme à ses responsabilités en matière de droits de l’homme, qui sont accrues dans une situation de conflit armé.
Liberté d’expression (article 19 du PIDCP)
L’article 19, paragraphe 2 du PIDCP fournit une large protection à la liberté d’expression, y compris le droit d’accès à l’information. Ces protections restent engagées pendant les conflits armés et devraient continuer à informer les responsabilités de Meta en matière de droits de l’homme, parallèlement aux règles du droit international humanitaire qui se renforcent mutuellement et se complètent et qui s’appliquent pendant ces conflits, y compris pour protéger les prisonniers de guerre ( Observation générale 31, Comité des droits de l’homme, 2004, paragraphe 11 ; Commentaire sur les principes directeurs des Nations Unies, Principe 12 ; voir également le rapport du rapporteur spécial des Nations Unies sur la désinformation et la liberté d’opinion et d’expression pendant les conflits armés, rapport A/77/288, paragraphes 33-35 (2022) ; et le rapport du HCDH sur la protection juridique internationale des droits de l’homme dans les conflits armés (2011), p. 59).
Le droit international humanitaire prévoit des garanties spécifiques pour le traitement des prisonniers de guerre, interdisant notamment les actes de violence ou d’intimidation à l’encontre des prisonniers de guerre ainsi que le fait de les exposer aux insultes et à la curiosité publique (article 13, paragraphe 2 de la Convention de Genève (III)). Dans une situation de conflit armé, l’analyse du Conseil sur la liberté d’expression s’appuie sur les règles plus précises du droit international humanitaire. Le commentaire du CICR sur l’article 13 explique que « le fait d’être exposé à la « curiosité publique » en tant que prisonnier de guerre, même lorsque cette exposition n’est pas accompagnée de remarques ou d’actions insultantes, est humiliant en soi et donc spécifiquement interdit [...] quel que soit le canal de communication public utilisé, y compris l’internet » et prévoit des exceptions étroites à cette interdiction qui sont discutées ci-dessous (Commentaire du CICR, p. 1624).
Le rapporteur spécial des Nations Unies a déclaré que « pendant les conflits armés, les personnes sont les plus vulnérables et ont le plus grand besoin d’informations exactes et fiables pour assurer leur propre sécurité et leur bien-être. » Pourtant, c’est précisément dans ces situations que leur liberté d’opinion et d’expression, qui comprend « la liberté de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toute espèce, est le plus limitée par les circonstances de la guerre et les actions des parties au conflit et d’autres acteurs visant à manipuler et à restreindre l’information à des fins politiques, militaires et stratégiques » (Rapport A/77/288, paragraphe 1).
Le lien entre le droit d’accès à l’information, y compris pour les victimes de violations des droits de l’homme, a également été souligné par le titulaire du mandat (Rapport A/68/362, paragraphe 92 (2013)). L’échange d’informations et d’images sur les prisonniers de guerre fait partie des activités journalistiques les plus importantes dans les situations de conflit. Les témoignages de détenus après la libération des camps de concentration nazis en 1945 et du camp d’Omarska en Bosnie en 1992 ont été déterminants pour galvaniser l’opinion mondiale sur les horreurs de ces guerres et les atrocités commises. De même, les images largement diffusées de mauvais traitements infligés aux détenus de la prison d’Abu Ghraib en Irak en 2004 ont conduit à une condamnation publique et à plusieurs poursuites judiciaires pour ces abus.
Lorsque des limitations de la liberté d’expression sont imposées par un État, elles doivent remplir des critères de légalité, d’objectif légitime, et de nécessité et de proportionnalité (article 19, paragraphe 3 du PIDCP). Ces exigences sont souvent reprises sous intitulé « test tripartite ». Le Conseil utilise ce cadre pour interpréter les responsabilités de Meta en matière de droits de l’homme, qui incluent la responsabilité de respecter la liberté d’expression. Comme l’a déclaré le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la liberté d’expression disant que même si « les entreprises ne sont pas soumises aux mêmes devoirs que les gouvernements, leur influence est néanmoins telle qu’elle doit les inciter à se poser les mêmes questions qu’eux quant à la protection de la liberté d’expression de leurs utilisateurs » (rapport A/74/486, paragraphe 41).
l. Légalité (clarté et accessibilité des règles)
Le principe de légalité consacré par la législation internationale des droits de l’homme exige que les règles utilisées pour limiter la liberté d’expression soient claires et accessibles (Observation générale n° 34, paragraphe 25). Les règles qui limitent la liberté d’expression « ne peuvent pas conférer aux personnes chargées de [leur] application un pouvoir illimité de décider de la restriction de la liberté d’expression » et elles « énoncent des règles suffisamment précises pour permettre aux personnes chargées de leur application d’établir quelles formes d’expression sont légitimement restreintes et lesquelles ne le sont pas » ( Ibid). Le rapporteur spécial des Nations Unies sur la liberté d’expression a déclaré que les règles régissant le discours en ligne devaient être claires et précises ( A/HRC/38/35, paragraphe 46). Les personnes utilisant les plateformes de Meta doivent pouvoir accéder aux règles et les comprendre, et les équipes d’examen de contenu doivent disposer de conseils clairs sur leur application.
Le Conseil estime que la règle de Meta interdisant les contenus qui révèlent l’identité des prisonniers de guerre est suffisamment claire pour régir le contenu dans ce cas, tout comme la possibilité pour l’équipe chargée de la politique de contenu de Meta de laisser exceptionnellement de côté des contenus qui violeraient autrement cette règle lorsque l’intérêt public l’exige. Les lignes de conduite pour l’application d’un écran « marquer comme dérangeant » aux contenus violents et explicites sont suffisamment claires pour régir le contenu dans ce cas.
Dans le même temps, les explications publiques de Meta sur la marge de tolérance liée à la pertinence pourraient apporter des précisions sur la manière dont elle peut s’appliquer aux contenus révélant l’identité de prisonniers de guerre. Sur les trois exemples de contenu pour lesquels une marge de tolérance liée à la pertinence a été appliquée, illustrant l’approche de Meta en matière de contenu pertinent, aucun ne concerne le Standard de la communauté relatif aux attaques coordonnées et à la promotion des actions criminelles. Bien qu’un exemple concerne une situation de conflit, les critères ou les facteurs propres aux conflits pourraient être rendus publics de manière plus complète dans le cadre des explications sur les règles politiques sous-jacentes. En réponse aux recommandations antérieures du Conseil, Meta a déjà apporté plus de clarté au sujet de la marge de tolérance liée à la pertinence, notamment en ajoutant des informations à son explication publique de cette marge de tolérance liée à la pertinence sur le moment où elle appliquera un écran d’avertissement (« Vidéo explicite au Soudan », recommandation n° 2), en liant l’explication publique à la page de destination des Standards de la communauté et en ajoutant des exemples à la page d’actualité, notamment au sujet des protestations (« Protestations en Colombie », recommandation n° 2). Le conseil souligne l’importance d’une plus grande transparence et d’une meilleure orientation des utilisateurs, en particulier dans les situations de crise et de conflit.
II. Objectif légitime
a. Le Standard de la communauté interdisant les représentations de prisonniers de guerre identifiables
Le respect des droits d’autrui, y compris le droit à la vie, à la vie privée et à la protection contre la torture ou les traitements cruels, inhumains ou dégradants, est un objectif légitime pour les restrictions du droit à la liberté d’expression (article 19, paragraphe 3, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques). En l’espèce, l’appréciation de la légitimité du but sous-jacent à l’interdiction de représenter des prisonniers de guerre identifiables est éclairée par la situation de conflit armé et les règles plus spécifiques du droit international humanitaire qui appellent à la protection de la vie, de la vie privée et de la dignité des prisonniers de guerre, lorsque le contenu expose les prisonniers de guerre à « l’insulte » et à la « curiosité publique » (article 13, paragraphe 2, de la Convention de Genève (III)).
Dans le contexte d’un conflit armé, l’article 13 de la Convention de Genève III prévoit la protection du traitement humain des prisonniers de guerre, et la règle générale de Meta, associée à la possibilité de bénéficier de la marge de tolérance liée à la pertinence, soutient cette fonction. Outre la violence potentielle hors ligne, le partage des images elles-mêmes peut être humiliant et violer le droit à la vie privée des détenus, d’autant plus que les personnes détenues ne peuvent pas donner leur consentement à la prise ou au partage de ces images. Le fait de voir ces images partagées peut revictimiser et montre comment les réseaux sociaux peuvent être utilisés pour enfreindre directement les lois de la guerre. Cela s’applique non seulement aux prisonniers de guerre décrits, mais sert également à protéger les prisonniers de guerre en général, ainsi que les membres de leur famille et d’autres personnes qui pourraient être visées. La protection de ces droits est étroitement liée aux valeurs de Meta en matière de confidentialité, de sécurité et de dignité. Le Conseil estime que le Standard de la communauté de Meta interdisant les représentations de prisonniers de guerre identifiables est légitime.
b. Les règles de Meta sur les écrans d’avertissement
Le Conseil a affirmé que les règles de Meta en matière de contenu violent et explicite poursuivaient des objectifs légitimes dans le cas de la « Vidéo explicite au Soudan » et dans plusieurs cas ultérieurs. Dans le contexte de ce cas et d’autres contenus similaires, les règles prévoyant un écran d’avertissement « marquer comme dérangeant » visent à donner aux utilisateurs plus de choix sur ce qu’ils voient en ligne.
III. Nécessité et proportionnalité
Le principe de nécessité et de proportionnalité stipule que les restrictions de la liberté d’expression « doivent être appropriées pour remplir leur fonction de protection ; elles doivent constituer le moyen le moins perturbateur parmi ceux qui pourraient permettre d’obtenir le résultat recherché » et « elles doivent être proportionnées à l’intérêt à protéger » ( Observation générale n° 34 , paragraphe 34).
L’analyse de la nécessité et de la proportionnalité effectuée par le Conseil s’appuie sur les règles plus spécifiques du droit humanitaire international. Selon le CICR, l’article 13, paragraphe 2, de la convention III de Genève exige qu’un « équilibre raisonnable » soit trouvé entre, d’une part, les avantages de la divulgation publique de documents représentant des prisonniers de guerre, compte tenu de la grande valeur de ces documents lorsqu’ils sont utilisés comme éléments de preuve pour poursuivre des crimes de guerre, promouvoir l’obligation de rendre des comptes et sensibiliser le public aux abus, et, d’autre part, l’humiliation potentielle, voire les blessures physiques, qui peuvent être causées aux personnes figurant dans les documents partagés. En outre, le CICR note dans ses conseils à l’intention des médias que de tels documents peuvent être exceptionnellement divulgués s’il existe un « intérêt public impérieux » à révéler l’identité du prisonnier ou s’il est dans « l’intérêt vital » du prisonnier de le faire ( Commentaire du CICR sur l’article 13, p. (1627)).
La règle par défaut de Meta est conforme aux objectifs du droit international humanitaire. Déterminer si une personne représentée est un prisonnier de guerre identifiable dans le contexte d’un conflit armé requiert l’avis d’un spécialiste. Par conséquent, la règle exigeant un « contexte supplémentaire pour être appliquée », et donc une escalation vers les équipes internes avant qu’elle ne puisse être appliquée, est nécessaire. Lorsque le contenu révèle l’identité ou la localisation de prisonniers de guerre, le retrait sera généralement proportionné, compte tenu de la gravité des préjudices qui peuvent en résulter. De nombreux commentaires publics ont donné des exemples de ces préjudices. Des inquiétudes ont été exprimées quant à l’utilisation de contenus représentant des prisonniers de guerre à des fins de propagande (voir par exemple PC-11137 de Digital Rights Foundation et PC-11144 d’Igor Mirzakhanyan), en particulier lorsque ces images sont diffusées par la puissance détentrice.
Les prisonniers de guerre peuvent subir de nombreux préjudices potentiels lorsque leur identité est révélée (voir par exemple PC-11096 de l’article 19). Il peut s’agir de l’humiliation du prisonnier et de l’ostracisme à son égard ou à l’égard de sa famille au moment de sa libération. De graves préjudices peuvent être causés même si l’utilisateur partage le contenu avec l’intention bienveillante de sensibiliser l’opinion ou de condamner les mauvais traitements. Dans ce cas, les visages des prisonniers de guerre présumés sont visibles et ils sont représentés au moment de leur capture. Ce processus s’accompagne de cris incessants et de jurons adressés aux prisonniers, dont certains semblent blessés, tandis que d’autres semblent décédés.
Cependant, dans ce cas, le potentiel de la pertinence a été correctement identifié, ce qui a conduit à une escalation vers l’équipe chargée de la politique de contenu. Il est important de veiller à ce que ce type d’escalation parvienne à des équipes disposant de l’expertise nécessaire pour évaluer les implications complexes en matière de droits de l’homme, lorsque le préjudice potentiel est imminent. La gravité de ces risques dans le contexte d’un conflit armé distingue ce cas des décisions antérieures dans lesquelles le Conseil a exprimé des inquiétudes quant à la possibilité d’escalation de la marge de tolérance liée à la pertinence (voir, par exemple, « Vidéo explicite au Soudan » ou « Vidéo de harcèlement sexuel en Inde »).
Dans ce cas, la vidéo documente des violations présumées du droit humanitaire international. Bien que la vidéo ait pu être réalisée par la puissance détentrice, il semble que le message de l’utilisateur visait à sensibiliser le public aux violations potentielles. Ceci est important pour le droit du public à l’information concernant la capture des détenus, la preuve qu’ils sont en vie et les conditions physiques de détention, ainsi que pour faire la lumière sur d’éventuels actes répréhensibles.
Il est exact que la marge de tolérance liée à la pertinence de Meta peut s’appliquer à des contenus qui ne sont pas partagés par des médias professionnels. Néanmoins, les conseils disponibles pour les journalistes sur le reportage responsable dans les situations de conflit indiquent une présomption contre la divulgation d’images identifiant des prisonniers de guerre, et que même lorsqu’il existe un intérêt public impérieux, des efforts doivent être faits pour sauvegarder la dignité des détenus.
Il est important que les entreprises de réseaux sociaux préservent les contenus décrivant des violations graves des droits de l’homme ou des crimes d’atrocité, tels que les crimes spécifiés dans le Statut de Rome de la Cour pénale internationale, y compris contre les prisonniers de guerre. Les commentaires publics ont souligné la nécessité d’une plus grande clarté de la part de Meta sur ses pratiques dans ce domaine, en particulier en ce qui concerne la coopération avec les mécanismes internationaux (voir : PC-11128 de Trial International, PC-11136 de l’Institut pour le droit international de la paix et des conflits armés, Université de la Ruhr, Bochum, et PC-11140 du Centre pour la justice et la responsabilité en Syrie). Ils ont souligné qu’il est important de conserver ces contenus pour identifier non seulement les auteurs, mais aussi les victimes (voir par exemple PC-11133 du Centre de droit international et comparé, PC-11139 de Digital Security Lab Ukraine et PC-11145 de l’ONG Protection des droits sans frontières). De l’avis du Conseil, ce contenu, évalué correctement dans son contexte particulier, a non seulement informé le public, mais a également contribué à faire pression en temps réel sur la puissance détentrice pour qu’elle protège les droits des détenus. Conformément à la Convention III de Genève, le CICR facilite l’échange de correspondance entre les prisonniers de guerre et les membres de leur famille afin de « prévenir les cas de disparition et de maintenir les liens familiaux sans compromettre la dignité ou la sécurité des prisonniers de guerre ».
La décision d’appliquer un écran d’avertissement au contenu était nécessaire et proportionnée, témoignant du respect des droits des prisonniers et de leurs familles, qui pouvaient ressentir une angoisse mentale du fait d’être exposés involontairement à un tel contenu. À l’instar de la décision du Conseil relative à la vidéo après l’attaque d’une église au Nigeria, le contenu de ce cas comprenait une vidéo montrant des cadavres et des personnes blessées à bout portant, avec leurs visages visibles, ainsi qu’un enregistrement audio de prisonniers de guerre souffrant d’un grave malaise alors qu’ils étaient agressés verbalement par leurs geôliers. Le contenu du cas contraste avec celui du cas du « Poème russe », qui concernait également une situation de conflit, dans lequel le Conseil a décidé que le contenu n’aurait pas dû être placé derrière un écran « marqué comme dérangeant ». Dans ce cas, le contenu était une image fixe d’un corps allongé sur le sol à longue distance, où le visage de la victime n’était pas visible. Le Conseil a conclu que « l’image photographique ne présentait pas d’indicateurs visuels clairs de violence, tels que décrits dans les règles internes de Meta à l’intention des modérateurs de contenu, qui justifieraient l’utilisation de l’écran d’avertissement ». En l’espèce, même si l’écran d’avertissement aurait probablement réduit la portée du contenu et donc son impact sur le discours public, le fait de donner aux utilisateurs le choix de voir ou non un contenu dérangeant est une mesure proportionnée. De nombreux commentaires publics, y compris de la part de personnes vivant dans des régions en conflit, sont favorables à l’application d’écrans d’avertissement en raison de la nature explicite de la vidéo et du grand intérêt du public à conserver le contenu (voir par exemple PC-11139 de Digital Security Lab Ukraine, PC-11144 d’Igor Mirzakhanyan et PC-11145 de l’ONG Protection of Rights without Borders).
9. Décision du Conseil de surveillance
Le Conseil de surveillance confirme la décision de Meta de laisser le contenu avec un écran d’avertissement « marquer comme dérangeant ».
10. Recommandations
A. Politique de contenu
1. Conformément à la recommandation n° 14 dans le cas de la « suspension de l’ancien président Trump », Meta devrait s’engager à conserver et, le cas échéant, à partager avec les autorités compétentes les preuves de crimes d’atrocité ou de violations graves des droits de l’homme, tels que ceux spécifiés dans le Statut de Rome de la Cour pénale internationale, en mettant à jour ses politiques internes afin de clarifier les protocoles mis en place à cet égard. Le protocole doit être sensible aux situations conflictuelles. Il doit expliquer les critères, le processus et les garanties pour (1) initier et mettre fin à la conservation, y compris les périodes de conservation des données, (2) accepter les demandes de conservation, (3) et partager les données avec les autorités compétentes, y compris les mécanismes de responsabilité internationale et les tribunaux. Les droits des utilisateurs à une procédure régulière et au respect de la vie privée doivent être garantis conformément aux normes internationales et aux lois applicables en matière de protection des données. La société civile, les universités et d’autres spécialistes dans ce domaine devraient participer à l’élaboration de ce protocole. Le Conseil considérera que cette recommandation a été suivie lorsque Meta lui communiquera ses documents internes mis à jour.
B. Mise en application
2. Pour garantir une application cohérente, Meta doit mettre à jour les Standards internes de mise en œuvre afin de fournir des conseils plus spécifiques sur l’application de la marge de tolérance liée à la pertinence aux contenus qui identifient ou révèlent l’emplacement des prisonniers de guerre, conformément aux facteurs décrits dans la section 8 de la présente décision, afin de guider à la fois l’escalation et l’évaluation de ces contenus en fonction leur pertinence. Le Conseil considérera que cette recommandation a été suivie lorsque Meta aura intégré cette révision et communiqué les conseils mis à jour au Conseil.
C. Transparence
3. Pour plus de clarté pour les utilisateurs, Meta devrait ajouter à son explication de la marge de tolérance liée à la pertinence dans l’Espace modération un exemple de contenu qui a révélé l’identité ou la localisation de prisonniers de guerre mais qui a été laissé en place en raison de l’intérêt public. Le Conseil considérera que cette recommandation a été suivie lorsque Meta mettra à jour sa page d’actualité avec un exemple concernant les prisonniers de guerre.
4. Suite à l’élaboration du protocole sur la préservation des preuves relatives aux crimes d’atrocité et aux violations graves des droits de l’homme, Meta devrait partager publiquement ce protocole dans l’Espace modération. Cela devrait inclure les critères pour initier et mettre fin à la conservation, les périodes de conservation des données, ainsi que le processus et les garanties pour accepter les demandes de conservation et pour partager les données avec les autorités compétentes, y compris les mécanismes de responsabilité internationale et les tribunaux. Les droits des utilisateurs à une procédure régulière et au respect de la vie privée doivent être garantis conformément aux normes internationales et aux lois applicables en matière de protection des données. Le Conseil considérera que cette recommandation a été suivie lorsque Meta communiquera publiquement ce protocole.
* Note de procédure :
Les décisions du Conseil de surveillance sont préparées par des panels de cinq membres et approuvées par une majorité du Conseil. Elles ne représentent pas nécessairement les opinions personnelles de tous ses membres.
Pour la décision sur ce cas, des recherches indépendantes ont été commandées au nom du Conseil. Le Conseil était assisté d’un institut de recherche indépendant, dont le siège se trouve à l’université de Göteborg. Il avait mobilisé une équipe de plus de 50 spécialistes en sciences sociales sur 6 continents ainsi que 3 200 spécialistes nationaux du monde entier. Duco Advisers, une société de conseil qui se concentre sur les recoupements entre la géopolitique, la confiance, la sécurité et la technologie, a également prêté assistance au Conseil. Memetica, une organisation qui effectue des recherches open-source sur les tendances des réseaux sociaux, a également fourni une analyse.
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