Le Conseil de surveillance confirme la décision de Meta pour le cas du « Bureau des affaires de communication du Tigré » (2022-006-FB-MR)
4 octobre 2022
Le Conseil de surveillance a confirmé la décision de Meta de supprimer une publication proférant des menaces dans le cadre du conflit en Éthiopie. Le contenu enfreignait le Standard de communauté de Meta relatif à la violence et à l’incitation, et sa suppression est conforme aux responsabilités de l’entreprise en matière de droits humains. Dans l’ensemble, le Conseil a estimé que Meta doit redoubler d’efforts pour assumer ses responsabilités en matière de droits humains dans les situations de conflit et formule des recommandations en matière de politiques pour prendre des mesures appropriées.
À propos du cas
Le 4 février 2022, Meta a saisi le Conseil d’un cas concernant un contenu publié sur Facebook pendant une période d’escalade de la violence dans le conflit en Éthiopie, où les forces tigréennes et du gouvernement se battent depuis novembre 2020.
La publication est apparue sur la Page officielle du Bureau des affaires de communication de l’État régional du Tigré et a été vue plus de 300 000 fois. Elle évoque les pertes subies par les forces fédérales et encourage l’armée nationale à « retourner ses armes » contre le « groupe d’Abiy Ahmed ». Abiy Ahmed est le Premier ministre éthiopien. La publication exhorte également les forces gouvernementales à se rendre et indique qu’elles mourront si elles refusent.
Après avoir été signalé par des utilisateurs et identifié par les systèmes automatisés de Meta, le contenu a été évalué par deux examinateurs parlant amharique. Ils ont déterminé que la publication n’enfreignait pas les politiques de Meta et l’ont laissée sur la plateforme.
À l’époque, Meta exploitait un Centre pour l’intégrité des opérations produits (IPOC) pour l’Éthiopie. Les IPOC sont utilisés par Meta pour améliorer la modération dans les situations à haut risque. Ils fonctionnent pendant une courte période (jours ou semaines) et rassemblent des spécialistes pour surveiller les plateformes de Meta et combattre tout abus. Par l’intermédiaire de l’IPOC, la publication a été envoyée à l’examen des spécialistes, jugée contraire à la politique de Meta en matière de violence et d’incitation, et supprimée 2 jours plus tard.
Principales observations
Le Conseil approuve la décision de Meta de supprimer la publication de Facebook.
Le conflit en Éthiopie a été marqué par la violence sectaire et des violations du droit international. Dans ce contexte, et compte tenu du profil et de la couverture de la Page, il existe un risque élevé que la publication ait pu conduire à de nouvelles violences.
Par conséquent, le Conseil convient que la suppression de la publication est requise en vertu du Standard de la communauté de Meta sur la violence et l’incitation, qui interdit les « déclarations d’intention de commettre des actes de violence de haute gravité ». La suppression est également conforme aux valeurs de Meta ; compte tenu des circonstances, les valeurs de « sécurité » et de « dignité » l’emportent sur celle de la « liberté d’expression ». Le Conseil estime également que la suppression de la publication est conforme aux responsabilités de Meta en matière de droits humains et constitue une restriction justifiable de la liberté d’expression.
Meta est depuis longtemps consciente que ses plateformes ont été utilisées pour diffuser des discours haineux et alimenter la violence dans les conflits. L’entreprise a pris des mesures positives pour améliorer la modération du contenu dans certaines zones de conflit. Cependant, dans l’ensemble, le Conseil estime que Meta a la responsabilité, en matière de droits humains, d’établir un système de modération du contenu dans les zones de conflit, fondé sur des principes et transparent, afin de réduire le risque que ses plateformes soient utilisées pour inciter à la violence ou à des violations du droit international. Elle doit redoubler d’efforts pour assumer cette responsabilité.
Par exemple, Meta ne fournit pas suffisamment d’informations sur la manière dont elle met en œuvre sa politique en matière de violence et d’incitation dans les situations de conflit armé, sur les exceptions à cette politique qui sont disponibles ou sur la manière dont elles sont utilisées. Son approche actuelle de la modération du contenu dans les zones de conflit suggère une certaine incohérence ; des observateurs ont accusé l’entreprise de traiter le conflit Russie-Ukraine différemment des autres.
Bien que Meta affirme dresser un registre des pays « à risque », qui guide l’attribution de ses ressources, elle ne fournit pas suffisamment d’informations pour que le Conseil puisse évaluer l’équité ou l’efficacité de ce processus. Dans ce cas, l’IPOC a entraîné la suppression du contenu. Cependant, il est resté sur la plateforme pendant 2 jours. Cela suggère que le système « à risque » et les IPOC ne sont pas adaptés pour traiter les situations de conflit. Selon Meta, les IPOC ne sont « pas destinés à être une solution durable et à long terme pour traiter un conflit qui dure depuis des années. » Le Conseil estime que Meta pourrait avoir besoin d’investir dans un mécanisme plus durable.
La décision du Conseil de surveillance
Le Conseil de surveillance confirme la décision de Meta de supprimer la publication.
Le Conseil fait également les recommandations suivantes :
- Conformément à la recommandation du Conseil dans la « Suspension de l’ancien président américain Donald Trump », telle que réitérée dans la « Vidéo graphique au Soudan », Meta devrait publier des informations sur son protocole de politique de crise. Le Conseil considérera que cette recommandation est mise en œuvre lorsque les informations sur le protocole de politique de crise seront disponibles dans l’Espace modération, dans les six mois suivant la publication de la présente décision, en tant que politique distincte dans l’Espace modération, en plus du diaporama du Forum des politiques publiques.
- Meta devrait évaluer la faisabilité de la mise en place d’un mécanisme interne durable lui offrant l’expertise, la capacité et la coordination nécessaires pour examiner et répondre efficacement au contenu pendant la durée d’un conflit.
* Avant de publier sa décision, le Conseil a fait le choix d’attendre que cette dernière soit traduite en amharique, afin de la rendre accessible aux personnes les plus concernées par le contenu examiné. C’est notamment pour cette raison que la décision a été rendue bien après les 90 jours de délai qu’il existe entre l’annonce du cas à examiner et la publication de la décision.
Pour en savoir plus
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