Renversé
Promotion de la kétamine pour les traitements non approuvés par la FDA
Le Conseil de surveillance a annulé la décision de Meta de ne pas prendre de mesures à l’encontre d’une publication Instagram dans laquelle un utilisateur discutait de son utilisation de la kétamine pour traiter l’anxiété et la dépression.
Résumé du cas
Le Conseil de surveillance a annulé la décision de Meta de ne pas prendre de mesures à l’encontre d’une publication Instagram dans laquelle un utilisateur discutait de son utilisation de la kétamine pour traiter l’anxiété et la dépression. Le Conseil estime que le contenu violait les Politiques de contenu de marque de Meta (qui s’appliquent aux contenus pour lesquels les créateurs reçoivent une compensation de la part d’un partenaire professionnel tiers, à l’inverse des services publicitaires dans le cadre desquels Meta reçoit une compensation en échange de la diffusion de publicités aux utilisateurs) et le Standard de la communauté relatif aux biens et aux services restreints de l’entreprise. Ce cas laisse penser que Meta applique de manière incohérente ses restrictions sévères relatives aux contenus de marque qui promeuvent des médicaments et qui tentent d’acheter, de vendre ou d’échanger des substances médicamenteuses et autres.
À propos du cas
Le 29 décembre 2022, un utilisateur Instagram vérifié a publié du contenu composé de 10 images liées et d’une légende. Un prestataire bien connu de soins thérapeutiques à base de kétamine est identifié comme co-auteur de la publication, identifiée comme une « collaboration commerciale ». Conformément aux Politiques de contenu de marque de Meta, les partenaires professionnels de Meta doivent ajouter de telles mentions à leurs contenus pour faire preuve de transparence au sujet de leurs relations commerciales avec un tiers.
Dans la légende, l’utilisateur a indiqué avoir reçu de la kétamine pour traiter son anxiété et sa dépression sur deux des sites du prestataire de soins thérapeutiques à base de kétamine aux États-Unis. Bien que l’utilisateur décrive la kétamine comme un médicament, la publication ne fournit aucune preuve qu’un diagnostic a été posé par un professionnel, ni que le traitement a eu lieu dans une clinique agréée ou sous supervision médicale. La publication décrit le traitement dont a bénéficié l’utilisateur comme une « magical entry into another dimension » (entrée magique dans une autre dimension). Elle exprime également la croyance selon laquelle les « psychedelics » (psychédéliques) (une catégorie de substances qui, comme l’implique la publication, inclut la kétamine) sont un type de médicaments émergents importants dans le domaine de la santé mentale. Dix dessins, dont certains comprennent des scènes psychédéliques, représentent l’expérience de l’utilisateur sous forme de scénarimage et indiquent que l’utilisateur a bénéficié de plusieurs « therapy sessions » (sessions de thérapie) contre « treatment-resistant depression and anxiety » (l’anxiété et la dépression résistant aux traitements). Le compte de l’auteur de l’expérience a environ 200 000 abonnés et la publication a été vue environ 85 000 fois.
Trois utilisateurs ont signalé une ou plusieurs des images incluses dans la publication, et le contenu a été supprimé et restauré à trois reprises en vertu du Standard de la communauté relatif aux biens et aux services restreints de Meta. Après que sa publication a été supprimée pour la troisième fois, le créateur du contenu l’a portée à l’attention de Meta. Le contenu a ensuite été présenté à une équipe de spécialistes en la matière pour être réexaminé, puis restauré environ six mois après sa publication initiale. Meta a ensuite saisi le Conseil. Le statut du créateur du contenu, « partenaire géré », a permis la remontée de la publication au sein de Meta. Les « partenaires gérés » sont des entités de différents secteurs, y compris des individus tels que des célébrités et des organisations telles que des entreprises ou des œuvres de charité. Ils bénéficient, à divers degrés, d’un soutien amélioré, y compris d’un accès à un gestionnaire de partenaires attitré.
Principales observations
Comme nous l’expliquons de manière plus exhaustive ci-dessous, ce cas laisse penser que Meta applique de manière incohérente ses restrictions sévères relatives aux contenus de marque qui promeuvent des médicaments et qui tentent d’acheter, de vendre ou d’échanger des substances médicamenteuses et autres sur ses plateformes.
Puisque le contenu en question a été publié dans le cadre d’une collaboration commerciale, les Politiques de contenu de marque doivent être appliquées. Le Conseil s’inquiète de constater que Meta n’a pas mentionné cet aspect des choses lorsqu’elle lui a transmis le cas et lors de ses contributions initiales. En effet, le Conseil n’a appris que la publication était rémunérée qu’après avoir posé des questions à l’entreprise. Les Politiques de contenu de marque de Meta stipulent que « [c]ertains biens, certains services et certaines marques ne peuvent pas faire l’objet d’une promotion via du contenu de marque », notamment les « [d]rogues et produits connexes, y compris substances illégales et drogues récréatives ». Puisque le contenu en question était l’objet d’une « collaboration commerciale », qu’il promouvait clairement l’utilisation de la kétamine et qu’il n’était pas couvert par une exception, il enfreignait ces politiques. En réponse aux questions du Conseil, Meta a reconnu que les contenus avec la mention « Collaboration commerciale » n’étaient pas tous examinés pour savoir s’ils respectaient les Politiques de contenu de marque, que les équipes de modération qui examinent les contenus à grande échelle ne voyaient pas cette mention et qu’elles ne pouvaient pas rediriger les contenus vers l’équipe spécialisée responsable de l’application des Politiques de contenu de marque. Cela augmente considérablement le risque que ce type de contenus soient sous-modérés. Ainsi, le Conseil invite Meta à s’assurer d’examiner les contenus pour savoir s’ils respectent toutes les politiques pertinentes, y compris ses Politiques de contenu de marque.
Le Conseil estime également que le contenu violait le Standard de la communauté relatif aux biens et aux services restreints. Celui-ci autorise la promotion des « [m]édicaments pharmaceutiques » (« médicaments qui nécessitent une ordonnance ou des professionnels de la santé pour être administrés »), mais interdit de faire la promotion de « [s]ubstances non médicales » (« drogues ou substances qui ne sont pas utilisées à des fins médicales prévues ou qui sont utilisées pour atteindre un état d’euphorie »). Comme ce cas l’indique, certaines substances font néanmoins partie des deux catégories. Ce flou réglementaire pourrait être dissipé en soulignant le rôle essentiel que les professionnels de la santé jouent dans la prescription et l’administration des médicaments. Comme nous l’avons indiqué au paragraphe précédent, le contenu rémunéré est soumis à des règles encore plus strictes. Puisque le contenu en question faisait clairement référence à l’utilisation d’une substance pour atteindre un état d’euphorie, mais ne mentionnait pas directement de diagnostic médical ni de professionnels de la santé (par exemple, « docteur », « infirmier », « psychiatre »), le Conseil estime que l’auteur de la publication n’a pas suffisamment démontré que l’utilisation de la kétamine avait eu lieu sous supervision médicale. Par conséquent, le contenu enfreint ledit Standard de la communauté et doit être supprimé.
Le Conseil s’inquiète également de l’éventualité de l’application incohérente des politiques de Meta relatives aux substances médicamenteuses et autres. Une enquête récente du Wall Street Journal basée sur l’examen de publicités pendant quatre semaines à la fin de l’année 2022 a découvert « plus de 2100 publicités sur Facebook et Instagram qui décrivaient les avantages de médicaments sur ordonnance sans en citer les risques, qui faisaient la promotion de médicaments dans le cadre d’utilisations non approuvées ou qui contenaient des témoignages sans dévoiler s’ils venaient d’acteurs ou d’employés de l’entreprise ». Le Conseil a également reçu un commentaire public de l’Association nationale des conseils de pharmacie (NABP), qui fait remarquer que les infractions manifestes au Standard de la communauté de Meta relatif aux biens et aux services restreints ne sont pas rares sur les plateformes de l’entreprise. Le NABP a indiqué qu’« une recherche superficielle de moins d’une minute » lui avait permis de trouver plusieurs publications sur la kétamine, où elle était clairement promue à des fins récréatives.
Décision du Conseil de surveillance
Le Conseil de surveillance annule la décision de Meta de ne pas prendre de mesures à l’égard de ce contenu et demande que la publication soit supprimée.
Le Conseil recommande à Meta ce qui suit :
- Clarifier la signification de la mention « Collaboration commerciale » là où cette mention est affichée, y compris au cours de l’examen des contenus de marque. Cela consiste notamment à expliquer le rôle des partenaires professionnels dans les processus d’approbation de contenu rémunéré et d’ajout de la mention « Collaboration commerciale ».
- Clarifier le Standard de la communauté relatif aux biens et aux services restreints pour préciser que le contenu qui « admet ou promeut l’utilisation de substances pharmaceutiques » n’est autorisé lorsque cette utilisation peut entraîner un « état d’euphorie » que dans un « environnement médical supervisé ».
- Améliorer ses procédures de révision pour s’assurer que le contenu créé dans le cadre d’une collaboration commerciale est examiné pour vérifier qu’il respecte toutes les politiques applicables (par exemple, les Standards de la communauté et les Politiques de contenu de marque). Meta doit veiller à ce que le contenu soit transmis à des systèmes automatisés ou à des équipes de révision formés en conséquence et capables d’appliquer les Politiques de contenu de marque de Meta, le cas échéant.
- Auditer l’application des règles établies dans ses Politiques de contenu de marque et dans son Standard de la communauté relatif aux biens et aux services restreints qui concernent la vente et/ou la promotion rémunérée de substances médicamenteuses ou autres. Meta doit ensuite résorber toutes les lacunes de ses procédures de modération.
*Les résumés de cas fournissent une présentation du cas et n’ont pas valeur de précédent.
Décision complète sur le cas
1. Résumé de la décision
Le Conseil de surveillance annule la décision de Meta de ne pas prendre de mesures à l’encontre d’une publication Instagram dans laquelle un utilisateur discutait de son utilisation de la kétamine pour traiter l’anxiété et la dépression sur les sites d’un prestataire de soins thérapeutiques à base de kétamine aux États-Unis. La publication était assortie de la mention « Collaboration commerciale », ce qui indique que l’utilisateur a reçu une compensation d’un « partenaire professionnel » tiers en échange de la publication. De telles publications doivent se conformer aux Politiques de contenu de marque de Meta. Ces politiques interdisent la promotion de « [d]rogues et produits connexes, y compris substances illégales et drogues récréatives », mais pas la promotion de pharmacies et de médicaments délivrés sur ordonnance conformément aux critères stricts qui, selon le Conseil, n’étaient pas respectés dans le cas présent. Aussi le Conseil a-t-il conclu que la publication enfreignait les Politiques de contenu de marque.
Même si la publication ne s’inscrivait pas dans le cadre d’une collaboration commerciale, le Conseil estime quand même qu’elle enfreint le Standard de la communauté de Meta relatif aux biens et aux services restreints. Le Standard autorise la promotion des médicaments pharmaceutiques, mais interdit celle des substances utilisées pour atteindre un « état d’euphorie ». La kétamine est un médicament pharmaceutique qui peut également entraîner un « état d’euphorie » ; elle est utilisée aussi bien pour ses propriétés thérapeutiques importantes qu’à des fins communes récréatives. Le Conseil est d’avis que le Standard doit être compris comme suit : il autorise les publications qui font la promotion de la kétamine, même si elle entraîne un « état d’euphorie », mais uniquement si elles expliquent clairement que cette substance a été administrée sous supervision médicale. Dans ce cas-ci, le Conseil a déterminé que la présence d’une supervision médicale n’avait pas été suffisamment étayée.
En plus d’annuler la décision de Meta, le Conseil conseille à l’entreprise de réviser ses Politiques de contenu de marque pour clarifier la signification de la mention « Collaboration commerciale » et s’assurer que les équipes de révision de contenu disposent des ressources suffisantes pour appliquer les Politiques de contenu de marque, le cas échéant. Le Conseil recommande également à Meta de clarifier la définition de substances non médicales dans son Standard de la communauté relatif aux biens et aux services restreints pour refléter le fait que, lorsque l’utilisation médicale d’une substance est accompagnée d’un état d’euphorie, les publications qui promeuvent ladite substance sont autorisées uniquement si la discussion comprend des preuves tangibles d’une supervision médicale. Enfin, le Conseil s’intéresse aux Politiques de contenu de marque de Meta au sens large et demande à l’entreprise de fournir au Conseil davantage d’informations sur l’application de ces politiques et/ou sur les partenaires professionnels, lorsque cela s’avère pertinent.
2. Description du cas et contexte
Le 29 décembre 2022, un utilisateur Instagram vérifié a publié du contenu composé d’une série de 10 images liées et d’une légende. Un prestataire bien connu de soins thérapeutiques à base de kétamine est identifié comme co-auteur de la publication, ce qui signifie que celle-ci a été partagée avec les abonnés des deux comptes et qu’elle est visible de manière permanente sur les deux comptes. La publication était accompagnée de la mention « Collaboration commerciale ». Conformément aux Politiques de contenu de marque de Meta, les partenaires professionnels de Meta doivent ajouter de telles mentions à leurs contenus pour faire preuve de transparence au sujet de leurs relations commerciales avec un tiers. Ces mentions s’affichent directement sous le nom d’utilisateur de la personne qui publie le contenu, sous la forme d’un texte qui dit « Collaboration commerciale avec » suivi du nom du partenaire professionnel.
Dans l’unique légende qui se trouvait sous la série d’images, l’utilisateur a indiqué avoir reçu de la kétamine pour traiter son anxiété et sa dépression sur deux des sites du prestataire de soins thérapeutiques à base de kétamine aux États-Unis. Le compte Instagram de ce prestataire est à nouveau identifié dans la légende. Un clic sur le nom du compte permet aux utilisateurs d’y accéder. Bien que l’utilisateur décrive la kétamine comme un médicament, la publication ne fournit aucune preuve qu’un diagnostic a été posé par un professionnel, ni que le traitement a eu lieu dans une clinique agréée ou sous supervision médicale. La publication décrit le traitement dont a bénéficié l’utilisateur comme une « magical entry into another dimension » (entrée magique dans une autre dimension). Elle exprime également la croyance selon laquelle les « psychedelics » (psychédéliques) (une catégorie de substances qui, comme l’implique la publication, inclut la kétamine) sont un type de médicaments émergents importants dans le domaine de la santé mentale.
Les 10 images de la série étaient toutes des dessins de qualité professionnelle. Un texte superposé à chacune d’elles transmettait l’expérience de l’utilisateur chez le prestataire. Les dessins représentent l’expérience sous forme de scénarimage chronologique et indiquent que l’utilisateur a bénéficié de plusieurs « therapy sessions » (sessions de thérapie) contre « treatment-resistant depression and anxiety » (l’anxiété et la dépression résistant aux traitements). Plusieurs dessins contiennent des scènes psychédéliques telles que des arcs-en-ciel, des étoiles et d’autres éléments surgissant de têtes, ainsi que des objets du quotidien représentés devant un fond aux couleurs de l’espace. Une partie des images faisait référence à la période difficile de la vie de la personne durant laquelle elle a cherché à bénéficier d’une thérapie. D’autres dessins décrivaient, dans l’ordre, la préparation au traitement (qui comprenait un processus de relaxation), le traitement lui-même (qui consistait en deux doses de kétamine) et la « réintégration » (qui impliquait un processus de réflexion après le traitement). Une autre partie des images faisait l’éloge du traitement, notamment une description du « [t]he feeling of both being pulled out of myself while being brought closer to my inner essential core » (sentiment d’avoir à la fois été extirpé de moi-même tout en m’étant rapproché de ce qu’il y a de plus essentiel en moi). L’utilisateur a comparé le traitement à « any good trip » (n’importe quel état d’euphorie). L’une des images (celle que Meta a mise en avant lorsqu’elle nous a transmis le cas) représentait et décrivait de manière positive le site du prestataire, et portait aux nues le « extraordinary staff » (personnel incroyable) qui a soutenu l’utilisateur. La série d’images ne décrivait toutefois aucune supervision médicale formelle ; par exemple, elle ne faisait aucune référence directe à un diagnostic médical de dépression ou d’anxiété et ne mentionnait pas de traitement réalisé par des professionnels de la santé. Elle ne précisait pas non plus si le prestataire du traitement était une clinique agréée.
La publication a reçu quelque 10 000 mentions « J’aime » et moins de 1000 commentaires, et a été vue environ 85 000 fois. Le compte de l’utilisateur qui parlait de son expérience a 200 000 abonnés environ.
En tout, trois utilisateurs ont signalé une ou plusieurs des 10 images incluses dans la publication, et le contenu a été supprimé et restauré à trois reprises en vertu du Standard de la communauté de Meta relatif aux biens et aux services restreints. Moins de 30 minutes après le premier signalement, le contenu était supprimé au cours d’un examen manuel. L’utilisateur à l’origine de la publication a fait appel de la suppression. Lors du recours, une équipe de révision manuelle a restauré le contenu moins de cinq heures après le premier signalement. Le contenu a été signalé une deuxième fois une heure plus tard environ, supprimé presque immédiatement, puis restauré une nouvelle fois en moins d’une demi-heure, chaque fois au cours d’un examen manuel. Plusieurs semaines plus tard, le contenu a de nouveau été signalé. Le troisième signalement a été traité par un système automatisé qui base ses actions sur les décisions prises précédemment par les équipes de modération de contenu. Le système automatisé a supprimé le contenu après avoir déterminé qu’il enfreignait les Règles de la communauté Instagram, en particulier le Standard de la communauté relatif aux biens et aux services restreints.
Les suppressions étaient exclusivement fondées sur le Standard de la communauté relatif aux biens et aux services restreints. Le Conseil a demandé à Meta d’expliquer pourquoi le contenu n’avait pas été supprimé à la suite d’une violation de l’interdiction de la promotion rémunérée des substances médicamenteuses et autres établie dans les Politiques de contenu de marque puisque les informations mises à la disposition du public au sujet de ces politiques indiquent que ces dernières doivent s’appliquer à tous les contenus accompagnés de la mention « Collaboration commerciale ». Meta a répondu que ces politiques n’avaient pas été appliquées parce que l’entreprise ne les applique qu’« au contenu de marque dévoilé par notre mention « Collaboration commerciale » que le partenaire de marque a examiné et approuvé ». Meta a ensuite expliqué que les marques « peuvent accorder à certains comptes Creator l’autorisation de les identifier dans du contenu de marque (ce qui leur permet de ne plus devoir approuver les tags de chaque publication) », ce qui signifie que les tags peuvent être automatiquement approuvés sans aucune forme d’examen par le partenaire de marque concerné. Dans ces cas-là, le contenu n’est pas examiné par les équipes spécialisées de Meta pour vérifier s’il enfreint ou non les Politiques de contenu de marque. Toujours selon Meta, les équipes d’examen de contenu à grande échelle ne voient pas la mention « Collaboration commerciale » et ne sont pas en mesure de transmettre de contenu aux équipes spécialisées pour examen. Par conséquent, elles n’interviennent pas dans l’application des Politiques de contenu de marque.
Après que sa publication a été supprimée pour la troisième fois, le créateur du contenu l’a portée à l’attention de Meta. Le contenu a ensuite été présenté à une équipe de spécialistes en la matière pour être réexaminé, puis restauré et transmis au Conseil. Le contenu a été restauré pour la troisième fois environ six mois après sa publication initiale.
Le statut du créateur, un « partenaire géré », a facilité la remontée du problème. Les « partenaires gérés » sont des entités de différents secteurs, y compris des individus tels que des célébrités et des organisations telles que des entreprises ou des œuvres de charité. Ces entités bénéficient, à divers degrés, d’un soutien amélioré de la part de Meta, y compris d’une formation sur l’utilisation des produits Meta et d’un accès à un gestionnaire de partenaires attitré, qui peut travailler avec elles pour « optimiser leur présence et maximiser la plus-value qu’elles retirent des plateformes et des services de Meta afin d’assurer que ces relations répondent aux objectifs stratégiques des partenaires gérés et de Meta ».
Meta a saisi le Conseil, indiquant que le cas était important en raison des nombreuses discussions sur les substances psychédéliques et de l’augmentation de leur utilisation aux États-Unis, ces substances brouillant les idées sur les traitements médicaux, l’auto-développement et l’usage récréatif des substances. Selon Meta, à cause de cette ambiguïté, il est difficile d’établir avec certitude si le contenu en question fait la promotion des médicaments pharmaceutiques, ce qui est en général autorisé sur les plateformes de Meta, ou s’il décrit l’utilisation de substances à des fins non médicales ou pour atteindre un « état d’euphorie », ce qui n’est en général pas autorisé.
Le Conseil a pris en considération le contexte ci-dessous pour parvenir à sa décision :
- Les spécialistes consultés par le Conseil ont expliqué qu’aux États-Unis, la kétamine en tant que telle n’est autorisée par l’Agence fédérale américaine des produits alimentaires et médicamenteux (FDA) qu’en tant qu’anesthésique. Néanmoins, à l’instar de nombreux autres médicaments, elle peut être administrée légalement par des médecins ou d’autres professionnels de la santé à d’autres fins que celles qui ont été initialement prévues, sous réserve de restrictions réglementaires définies aux niveaux fédéral et étatique.
- La FDA a approuvé une forme de kétamine sous forme de spray nasal, l’eskétamine (souvent appelée « Spravato », d’après le nom de la marque qui la fabrique), pour traiter la dépression. À l’inverse des publicités pour la kétamine générique, les publicités pour Spravato sont directement réglementées par la FDA, ce qui signifie qu’elles sont soumises à divers critères. Par exemple, la FDA exige que toutes les publicités pour des médicaments sur ordonnance comme Spravato énumèrent « tous les risques liés à l’utilisation du médicament ». Une fenêtre contextuelle inamovible au bas de la page web de Spravato affiche une liste d’avertissements, notamment en cas d’abus et d’utilisation détournée. Ces exigences reflètent les inquiétudes de la FDA en matière de promotion de médicaments. Ces inquiétudes ont orienté l’approche du Conseil relative aux publications équivalentes aux publicités pharmaceutiques.
- La communauté médicale mène des discussions significatives sur les utilisations de la kétamine en tant que traitement prometteur contre la dépression et d’autres troubles de l’humeur qui n’ont pas été initialement prévues. Un nombre grandissant de recherches évaluées par les pairs relatives au potentiel de la kétamine en tant que traitement pour les troubles de l’humeur sont menées alors que les États-Unis sont en pleine crise de santé mentale. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime que la dépression est la première cause de handicap dans le monde entier. Les principaux repères de l’OMS sur le suicide expliquent que plus de 700 000 personnes se suicident chaque année au niveau mondial, ce qui en fait la quatrième cause de mortalité chez les 15-29 ans, la dépression non traitée étant un facteur de risque majeur.
- La communauté médicale a également attiré l’attention sur les risques que représente l’utilisation thérapeutique de la kétamine. En 2017, un consensus publié dans le Journal of the American Medicine Association (JAMA) a mis en évidence le fait que l’abus de kétamine pouvait causer des déficiences cognitives et des dommages aux voies urinaires. Selon une revue de la littérature de 2022, « les risques d’une utilisation détournée de la kétamine semblent similaires à ceux d’autres substances bien connues et régulièrement prescrites qui peuvent faire l’objet d’abus, comme les stimulants et les benzodiazépines », mais l’étude note également que cela ne devrait pas empêcher les médecins de prescrire de la kétamine lorsque cela s’avère nécessaire et invite les médecins « à faire preuve de tout autant de prudence lorsqu’ils en prescrivent en cas de besoin plutôt qu’à bannir totalement cette substance ». Selon un examen réalisé en 2023 par des spécialistes de la toxicité de la kétamine, les overdoses de kétamine semblent relativement peu communes. Une autre étude n’a relevé aucune overdose ni aucun décès consécutif à l’utilisation de la kétamine pour soigner la dépression dans un contexte thérapeutique aux États-Unis.
- Les spécialistes consultés par le Conseil ont souligné les risques que pose l’utilisation non médicale de la kétamine. Ils ont fait remarquer que la kétamine, ou la « Special K » comme elle est familièrement appelée par les adeptes d’un usage récréatif, est une substance populaire dans les boîtes de nuit et dans les bars depuis des dizaines d’années. Ils ont également noté que, même si l’utilisation détournée de la kétamine semblait être relativement faible, il était possible qu’elle devienne plus fréquente. Une étude réalisée en mai 2023 par l’Université de New York a « découvert une augmentation de 349 % des saisies de kétamine illicite par les forces de l’ordre de lutte contre les drogues aux États-Unis, entre 2017 et 2022 », ce qui « peut pointer vers une augmentation de son usage récréatif et non médical ». L’étude « avertit également que les médias et la promotion médicale de la kétamine sur ordonnance ces dernières années alimentent son utilisation et sa disponibilité sur le marché noir ».
- Ces dernières années, les cliniques spécialisées dans la kétamine se sont multipliées. Un spécialiste consulté par le Conseil a noté la profusion de cliniques, en ligne comme hors ligne, qui vantent l’efficacité de la kétamine pour traiter toutes sortes d’affections, y compris les troubles obsessifs compulsifs, l’addiction et les troubles des conduites alimentaires. Cependant, une très grande majorité des recherches effectuées jusqu’à présent se sont concentrées sur les patients atteints de dépression.
- Un autre spécialiste a fait remarquer que certaines cliniques spécialisées dans la kétamine fonctionnent en tant que prestataires de services de télémédecine, une pratique autorisée dans le cadre de la pandémie de COVID-19. Ces cliniques peuvent envoyer de la kétamine à leurs patients par la poste. Cela étant, l’autorisation de cette pratique va sans doute être levée compte tenu de l’évolution actuelle de la pandémie de COVID-19. Jusqu’à présent en 2023, l’agence fédérale américaine responsable de l’application de la loi relative aux substances réglementées (DEA) a fermé au moins un centre de soins thérapeutiques à base de kétamine, probablement en lien avec des ventes par correspondance.
- En juillet 2021, Meta a annoncé que l’entreprise « apportait des modifications pour clarifier nos règles [publicitaires] liées aux médicaments sur ordonnance et renforcer leur application ». Meta a déclaré que ces mises à jour « établir[aient] une distinction importante entre la promotion de drogues illicites et d’autres substances dangereuses, d’une part, et la promotion restreinte de médicaments sur ordonnance par des annonceurs approuvés, d’autre part » en créant de nouvelles règles distinctes relatives à « la promotion des pharmacies en ligne, des médicaments délivrés sur ordonnance et des substances dangereuses ». Meta a également annoncé qu’elle conclurait un partenariat avec LegitScript pour faciliter la mise en place de sa nouvelle certification obligatoire pour les pharmacies en ligne et les prestataires de services de télémédecine qui souhaitent faire la promotion de médicaments sur ordonnance.
- Un article publié en mars 2022 dans le Journal of Medical Internet Research note l’augmentation de « patients influenceurs ». Les patients influenceurs utilisent les réseaux sociaux pour « essayer de créer un lien émotionnel avec [leurs] abonnés [dévoués] en partageant avec eux des éléments stratégiques spécifiques de leur maladie et de leur expérience liée à celle-ci ». Ils sont susceptibles d’être payés par des entreprises médicales ou pharmaceutiques, ces relations financières n’étant parfois pas manifestes pour les utilisateurs qui voient leur contenu. L’article mettait l’accent sur le besoin de prendre en considération certaines questions éthiques et sur les risques posés par les fausses informations dans le marketing d’influence. Une étude réalisée en mars 2023 au cours de laquelle des patients influenceurs ont été interviewés a rappelé la nécessité de prendre des mesures par rapport à ces questions éthiques potentielles.
- Par ailleurs, la distinction entre le contenu rémunéré et non rémunéré suscite de plus en plus l’intérêt des organismes de réglementation. Aux États-Unis, où ce cas a vu le jour, la Commission fédérale du commerce (FTC) a récemment revu ses règles à l’attention des influenceurs sur les réseaux sociaux pour leur imposer des critères plus stricts, notamment en matière de divulgation d’informations. Ces réglementations reflètent et renforcent l’idée selon laquelle les compensations monétaires modifient grandement la nature du discours tenu, de sorte que les consommateurs devraient avoir le droit de savoir qu’il a été créé dans le cadre d’une « collaboration commerciale ».
3. Champ d’application et autorité du Conseil de surveillance
Le Conseil est compétent pour examiner les décisions que Meta lui présente pour examen (article 2, section 1 de la Charte ; article 2, section 2.1.1 des Statuts). Le Conseil examine le contenu et se prononce à son sujet en vertu des politiques et des valeurs de Meta en matière de contenu (article 2 de la Charte). Les Statuts définissent les « règles de Meta relatives au contenu » comme « les procédures et les politiques de Meta qui régissent le contenu sur la plateforme (par exemple, les Standards de la communauté et les Règles de la communauté) ». Le Conseil estime que les Politiques de contenu de marque de Meta sont incluses dans cette définition.
Le Conseil peut confirmer ou annuler la décision de Meta (article 3, section 5 de la Charte), et ce, de manière contraignante pour l’entreprise (article 4 de la Charte). Meta doit également évaluer la possibilité d’appliquer la décision à un contenu identique dans un contexte parallèle (article 4 de la Charte). Les décisions du Conseil peuvent inclure des recommandations non contraignantes auxquelles Meta doit répondre (article 3, section 4 de la Charte ; article 4 de la Charte). Lorsque Meta s’engage à donner suite aux recommandations, le Conseil surveille leur mise en œuvre.
4. Sources d’autorité et conseils
Les standards suivants et les précédents ont éclairé l’analyse du Conseil dans ce cas :
I. Décisions du Conseil de surveillance
Les décisions antérieures les plus pertinentes du Conseil de surveillance comprennent les cas suivants :
- Produits pharmaceutiques au Sri Lanka (décision sur le cas 2022-014-FB-MR)
- Demande d’Adderall® (décision sur le cas 2021-015-FB-UA)
- Breuvage à base d’ayahuasca (décision sur le cas 2021-013-IG-UA)
II. Règles de Meta relatives au contenu
Outre les Politiques de contenu de marque de Meta, le cas présent implique les Règles de la communauté Instagram et les Standards de la communauté Facebook. Le Rapport d’application des Standards de la communauté de Meta pour le T1 de 2023 indique que « Facebook et Instagram disposent des mêmes politiques relatives au contenu. Cela signifie que si un contenu est jugé en infraction sur Facebook, il est aussi jugé en infraction sur Instagram. »
Les Règles de la communauté Instagram stipulent qu’« acheter ou vendre des produits non médicaux ou pharmaceutiques [est] interdit ». Elles précisent : « Nous supprimons également les contenus qui tentent de commercialiser, de coordonner la commercialisation, de donner ou de demander des produits non médicaux, ainsi que les contenus qui admettent une utilisation personnelle (sauf dans un contexte de guérison) ou qui coordonnent ou font la promotion de l’utilisation de produits non médicaux. » Les Règles poursuivent : « Lorsque vous proposez de vendre ou d’acheter d’autres produits réglementés, n’oubliez pas de toujours respecter la loi. » Elles réfèrent ensuite vers le Standard de la communauté Facebook relatif aux biens et aux services restreints.
Le Standard de la communauté Facebook relatif aux biens et aux services restreints interdit « aux individus, aux fabricants et aux distributeurs d’acheter, de vendre, de mettre en jeu, d’offrir, de transférer ou d’échanger certains biens et services. » Les biens restreints comprennent les « [m]édicaments pharmaceutiques (médicaments qui nécessitent une ordonnance ou des professionnels de la santé pour être administrés) » et les « [s]ubstances non médicales (drogues ou substances qui ne sont pas utilisées à des fins médicales prévues ou qui sont utilisées pour atteindre un état d’euphorie) ». Meta supprime le contenu sur les « substances non médicales » qui « reconnaît une consommation personnelle sans confirmation ou référence à la récupération, au traitement ou [à] une autre aide pour lutter contre la consommation. Il est possible que ledit contenu ne parle pas d’instructions pour faire ou utiliser des substances non médicales en termes positifs, qu’il n’encourage pas à leur utilisation, ni qu’il ne coordonne pas ou ne fournisse pas ce type d’instructions. » D’après sa justification, le Standard de la communauté relatif aux biens et aux services restreints vise à « encourager la sécurité et prévenir les activités potentiellement dangereuses ».
Les Politiques de contenu de marque de Meta interdisent les contenus qui « enfreignent nos Standards de la communauté ou les Règles de la communauté ». La liste de « contenu interdit » inclut les « [d]rogues et produits connexes, y compris substances illégales et drogues récréatives » et les « [p]roduits et compléments jugés dangereux ». En outre, le contenu de marque qui fait la promotion de « pharmacies » et de « médicaments délivrés sur ordonnance » stipule que le « partenaire commercial sponsorisant le contenu de marque doit être autorisé à promouvoir ses services ». L’autorisation pour les « [p]harmacies » précise que « [l]e partenaire commercial doit être certifié via LegitScript et recevoir l’autorisation écrite de Facebook pour promouvoir des pharmacies ». L’autorisation pour les « [m]édicaments délivrés sur ordonnance » stipule que « [l]e partenaire commercial doit soumettre une demande à Facebook pour promouvoir les médicaments délivrés sur ordonnance ». « [L]es pharmacies en ligne, les fournisseurs de services de télémédecine et les fabricants de produits pharmaceutiques » sont des entités qui peuvent demander l’autorisation de Facebook. De plus, les publications de contenu de marque mettant en avant des médicaments délivrés sur ordonnance doivent « être limitée[s] aux personnes âgées d’au moins 18 ans vivant aux États-Unis, en Nouvelle-Zélande ou au Canada. La promotion des médicaments délivrés sur ordonnance est interdite dans d’autres pays que ceux-ci. » Il est important de noter que les Politiques de contenu de marque s’appliquent au contenu pour lequel les créateurs de contenu reçoivent une compensation (« un paiement ou des cadeaux ») d’un « partenaire professionnel » tiers, à l’inverse des Standards publicitaires Meta, qui s’appliquent au contenu diffusé par Meta aux utilisateurs en échange d’une compensation de la part des annonceurs.
L’analyse des politiques de contenu par le Conseil a été éclairée par la valeur de Meta qu’est la « Liberté d’expression », que l’entreprise décrit comme « primordiale », ainsi que par ses valeurs de « Sécurité » et de « Dignité ».
III. Responsabilités de Meta en matière de droits de l’homme
Les Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme des Nations Unies (PDNU), soutenus par le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies en 2011, établissent un cadre de travail volontaire pour les responsabilités en matière de droits de l’homme des entreprises privées. En 2021, Meta a annoncé l’entrée en vigueur de sa Politique d’entreprise relative aux droits de l’homme, dans laquelle elle a réaffirmé son engagement à respecter les droits de l’homme conformément aux PDNU. L’analyse du Conseil sur les responsabilités de Meta en matière de droits de l’homme en l’espèce s’est appuyée sur les standards internationaux suivants :
- Les droits à la liberté d’opinion et d’expression : l’article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), l’observation générale n° 34 du Comité des droits de l’homme, 2011 ; l’article 21 de la Convention relative aux droits des personnes handicapées (CDPH).
- Le droit à la santé : l’article 12 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC) ; l’observation générale n° 14 du Comité des droits économiques, sociaux et culturels (2000).
5. Soumissions de l’utilisateur
L’auteur de la publication a été notifié de l’examen par le Conseil et a eu la possibilité d’envoyer une déclaration au Conseil. L’utilisateur n’a pas émis de déclaration.
6. Soumissions de Meta
Lorsque Meta a saisi le Conseil, l’entreprise a affirmé qu’étant donné la hausse de l’utilisation sous supervision médicale de substances psychotropes, il « pourrait être plus difficile de défendre notre politique parce que de plus en plus de personnes veulent parler de leur expérience avec les drogues légales sur nos plateformes ». Puisqu’elle s’attend à d’autres cas similaires à l’avenir, Meta a demandé « au Conseil de l’aider à trouver la bonne approche en la matière ».
Meta a expliqué que, dans son Standard de la Communauté relatif aux biens et aux services restreints, les définitions de « substances non médicales » et de « médicaments pharmaceutiques » « entraient en conflit lorsqu’une substance est administrée légalement par des professionnels de la santé à des fins de traitement d’une maladie mentale au cours duquel un état mental altéré est recherché ». Les règles internes sur l’application du Standard de la communauté relatif aux biens et aux services restreints autorisent le contenu dans lequel un utilisateur reconnaît utiliser des médicaments pharmaceutiques sous supervision médicale ou en promeut l’utilisation dans un tel contexte. Selon Meta, le contenu en question dans ce cas-ci aborde l’expérience de l’utilisateur « avec un traitement médical légal et sûr contre la dépression et l’anxiété ». Toujours selon Meta, trois parties de la publication font référence à l’utilisation d’une substance pour « atteindre un état d’euphorie ou un état mental altéré » : 1) la description du traitement à base de kétamine qui offrirait une « magical entry into another dimension » (entrée magique dans une autre dimension) ; 2) la description du « [t]he feeling of both being pulled out of myself while being brought closer to my inner essential core » (sentiment d’avoir à la fois été extirpé de moi-même tout en m’étant rapproché de ce qu’il y a de plus essentiel en moi) ; et 3) la description du traitement comme d’un « good trip » (état d’euphorie).
Meta croit que l’expérience décrite par l’utilisateur illustre le « conflit » entre les définitions susmentionnées de « médicaments pharmaceutiques » et de « substances non médicales ». Compte tenu de l’augmentation des cas de dépression et d’anxiété dans le monde, en particulier des suites de la pandémie de COVID-19, l’entreprise a souligné l’importance des contenus qui abordent ces nouveaux traitements. Meta a mis en évidence la rapidité des réponses scientifiques et réglementaires à l’utilisation d’hallucinogènes, dont fait partie la kétamine, pour traiter la dépression. Une étude de 2022 citée par Meta n’a relevé aucune overdose ni aucun décès consécutif à l’utilisation de la kétamine en tant qu’antidépresseur dans un contexte thérapeutique aux États-Unis. Pour Meta, « il ne fait aucun doute que le contenu fait partie de ceux que nous souhaitons autoriser en vertu de notre politique ». L’entreprise reconnaît toutefois qu’« il est possible que certaines personnes puissent être tentées d’essayer de la kétamine illégalement en voyant le soutien apporté à son usage légal ».
Meta a conclu que la description fournie par l’utilisateur de son expérience avec la « kétamine administrée médicalement » ne représentait aucun danger pour la sécurité des autres personnes. Aussi l’entreprise a-t-elle déterminé que le contenu n’enfreignait pas le Standard de la communauté relatif aux biens et aux services restreints. Meta a reconnu que la décision qu’elle avait prise dans le cas présent allait à l’encontre de l’interdiction générale du Standard qui concerne le contenu promouvant l’utilisation de substances (qu’elles soient pharmaceutiques ou non médicales) pour « atteindre un état d’euphorie ou un état mental altéré ». Néanmoins, elle a jugé que sa décision était cohérente avec l’objectif du Standard. Meta a ensuite expliqué que « le fait de reconnaître ou de promouvoir l’utilisation de la kétamine en tant que substance pharmaceutique administrée médicalement était autorisé parce qu’il correspond à la politique globale [de l’entreprise] qui vise à favoriser les discussions sur les traitements médicaux ». Selon Meta, la décision de ne pas toucher au contenu sur Instagram ne constitue pas « une exception à la politique, une abrogation de celle-ci ou une contradiction avec celle-ci ». En outre, il s’agit d’une décision que l’entreprise « attend de la part de n’importe quelle équipe de révision » lors de l’examen de contenu à grande échelle ou à la suite d’un transfert.
Le Conseil a posé 22 questions par écrit à Meta. Les questions portaient sur le statut de partenaire géré et les canaux disponibles pour faire appel des décisions de modération ; la nature de la collaboration entre l’utilisateur et la clinique de soins de santé à base de kétamine ; le rôle de l’automatisation dans l’application des politiques relatives au contenu pertinentes ; l’évaluation du contenu et du contexte par Meta dans le cadre des politiques relatives au contenu pertinentes ; la tolérance au titre de « l’esprit de la politique » ; et les Politiques de contenu de marque de Meta. Meta a répondu à toutes les questions.
7. Commentaires publics
Le Conseil de surveillance a reçu cinq commentaires publics en rapport avec le cas présent. Ils ont tous été envoyés des États-Unis et du Canada. Trois commentaires se concentraient sur les bienfaits médicaux de la thérapie à base de kétamine et le fait qu’il est important d’autoriser les discussions à son sujet sur les plateformes de Meta. Les deux autres soulignaient les dangers liés à l’usage récréatif de la kétamine.
Le Conseil a reçu un commentaire de l’Association nationale des conseils de pharmacie (NABP), une organisation américaine sans but lucratif qui compte parmi ses membres les conseils de pharmacie des 50 États américains, ainsi que les organismes de réglementation de la pharmacie du District de Columbia, de Guam, de Porto Rico, des îles Vierges, des Bahamas et de 10 provinces canadiennes. L’organisation a insisté sur le fait qu’« une recherche superficielle de moins d’une minute » lui avait permis de trouver de nombreuses publications sur la « kétamine, où elle était clairement promue à des fins récréatives ». La NABP avait tenu de pareils propos quant à la nécessité de prendre des mesures en cas d’infractions non ambiguës au Standard de la communauté relatif aux biens et aux services restreints dans le cas Demande d’Adderall (PC-11235) du Conseil. Elle y avait signalé « des cas où le contenu essayant de vendre [de l’Adderall et du Xanax] était resté publié sur Facebook ». Dans ce cas-ci, l’organisation a encouragé Meta à « privilégier les cas sans équivoque plutôt que de consacrer des ressources aux cas plus ambigus » comme celui-ci.
Le Conseil a également reçu un commentaire du prestataire de soins thérapeutiques à base de kétamine Mindbloom (PC-11234) à propos de la gravité de la crise de santé mentale aux États-Unis. Mindbloom y a mentionné les recherches sur l’inefficacité des traitements actuels contre la dépression. Le prestataire a également insisté sur le fait que la capacité à partager des informations sur les nouveaux traitements comme la kétamine était essentielle. En effet, en dépit de la publication de recherches significatives, de nombreuses personnes ne sont pas au courant de l’existence de la thérapie à base de kétamine.
Pour lire les commentaires publics envoyés dans le cas présent, veuillez cliquer ici.
8. Analyse du Conseil de surveillance
Le Conseil a sélectionné ce cas transmis par Meta afin d’examiner et de clarifier la politique de Meta en matière de biens et de services restreints dans le contexte de la légalisation et de la normalisation de certaines substances, en particulier à des fins médicales. Après un examen plus approfondi, le Conseil a trouvé que le cas soulevait également d’importantes questions liées aux contenus faisant la promotion de produits pharmaceutiques dans le cadre de « collaborations commerciales ».
Le Conseil a cherché à savoir si la publication concernée devait être supprimée en analysant les politiques de Meta relatives au contenu, qui incluent les Politiques de contenu de marque de l’entreprise, les Règles de la communauté Instagram et les Standards de la communauté Facebook, en plus des valeurs et des responsabilités de Meta en matière de droits humains.
8.1 Respect des politiques relatives au contenu de Meta
I. Règles relatives au contenu
Le Conseil estime que le contenu en question enfreint les Politiques de contenu de marque de Meta, qui s’appliquent si le contenu fait l’objet d’une « collaboration commerciale ».
Le Conseil trouve également que ce contenu enfreindrait le Standard de la communauté relatif aux biens et aux services restreints même s’il ne faisait pas l’objet d’une « collaboration commerciale ».
Politiques de contenu de marque
Puisque le contenu en question a été publié dans le cadre d’une collaboration commerciale, les Politiques de contenu de marque auraient dû être appliquées. Le Conseil s’inquiète de constater que Meta n’a pas mentionné cet aspect des choses lorsqu’elle lui a transmis le cas et lors de ses contributions initiales. En effet, le Conseil n’a appris cette information qu’après plusieurs échanges avec l’entreprise lorsqu’il a cherché à en savoir plus sur le caractère rémunéré de la publication. Le Conseil apprécie l’engagement de Meta en la matière et est heureux de pouvoir aborder la manière dont les partenaires gérés utilisent Instagram pour promouvoir des traitements médicaux en échange d’une rémunération. Comme indiqué ci-dessus à la section 2, les défis particuliers que représente la promotion de substances par le biais de contenu rémunéré ont attiré l’attention des secteurs médicaux et juridiques. Le Conseil a manifesté son intérêt à ce sujet dans d’autres cas et demande à Meta de partager toutes les informations pertinentes au sujet des cas que le Conseil envisage de sélectionner, y compris des informations sur les Politiques de contenu de marque et/ou sur les partenaires commerciaux, le cas échéant.
Les Politiques de contenu de marque de Meta stipulent que « [c]ertains biens, certains services et certaines marques ne peuvent pas faire l’objet d’une promotion via du contenu de marque ». Les politiques listent les « [d]rogues et produits connexes, y compris substances illégales et drogues récréatives » dans la catégorie des biens interdits. Il ne fait aucun doute que le contenu en question dans le cas présent fait la promotion de l’utilisation de la kétamine. Bien que l’expérience et le traitement décrits par l’utilisateur semblent légaux aux États-Unis, les politiques de Meta stipulent clairement qu’un tel contenu ne peut pas être promu sur Instagram dans le cadre d’une collaboration commerciale. Le statut de la kétamine en tant que « médicament pharmaceutique » ou « substance non médicale » dans ce contexte n’est pas pertinent aux fins des Politiques de contenu de marque. Par conséquent, le contenu aurait dû être supprimé sans que Meta n’ait, dans ce cas-ci, à dissiper le flou réglementaire qui règne dans son Standard de la communauté relatif aux biens et aux services restreints.
Les Politiques de contenu de marque spécifient que certaines catégories de contenus, y compris ceux qui font la promotion de « pharmacies » ou de « médicaments délivrés sur ordonnance », requièrent du partenaire commercial promouvant le contenu qu’il soit « autorisé » à le faire par Meta. Cette exception ne s’applique qu’à un petit nombre de juridictions, dont font partie les États-Unis. Seuls les pharmacies en ligne, les fournisseurs de services de télémédecine et les fabricants de produits pharmaceutiques peuvent demander à obtenir une telle autorisation. Dans le cas présent, Meta a confirmé que le partenaire commercial qui promouvait le contenu ne l’avait pas obtenue. Par conséquent, la publication enfreint les règles puisqu’elle n’a pas été dûment autorisée conformément aux quelques exceptions à l’interdiction générale de promouvoir les « pharmacies » ou les « médicaments délivrés sur ordonnance » en vertu des Politiques de contenu de marque.
Standard de la communauté relatif aux biens et aux services restreints
Comme Meta le reconnaît, un certain flou entoure le Standard de la communauté relatif aux biens et aux services restreints. D’un côté, il autorise la promotion de médicaments pharmaceutiques. De l’autre, il interdit la promotion des substances utilisées pour atteindre un « état d’euphorie » ou un état mental altéré. Lorsqu’un médicament pharmaceutique entraîne un « état d’euphorie », ce standard peut être interprété de deux manières opposées. Dans ce cas-ci, si l’on omet le fait que le contenu a été créé dans le cadre d’une collaboration commerciale, Meta a estimé que sa valeur de « liberté d’expression », associée à la faible probabilité qu’un préjudice en résulte, devait l’inciter à traiter ce cas comme une discussion sur un médicament pharmaceutique et donc à l’autoriser.
Compte tenu des circonstances, le Conseil est d’avis que le flou pourrait être dissipé au mieux en faisant référence à l’« environnement médical supervisé », conformément aux règles internes de Meta à l’attention de ses équipes de révision de contenu. Le Standard de la communauté de Meta relatif aux biens et aux services restreints définit les médicaments pharmaceutiques comme des médicaments qui « nécessitent une ordonnance ou des professionnels de la santé pour être administrés ». Il définit les « substances non médicales » comme des « médicaments ou substances qui ne sont pas utilisées à des fins médicales prévues ou qui sont utilisées pour atteindre un état d’euphorie ». Selon ces définitions, le fait que l’utilisation de la substance doit être supervisée par un professionnel de la santé, soit parce qu’il la prescrit, soit parce qu’il l’administre sur site, est l’élément clé qui permet de distinguer ces deux types de substances. Pour dissiper tout doute, l’utilisation du « ou » disjonctif dans la définition des « substances non médicales » signifie que n’importe quelle substance qui peut être utilisée pour atteindre un « état d’euphorie » sera qualifiée de « substance non médicale », même s’il s’agit également d’un « médicament pharmaceutique ». Pourtant, le Conseil estime que les catégories « médicaments pharmaceutiques » et « substances non médicales » sont censées être des notions distinctes, l’élément distinctif étant la supervision par un professionnel de la santé. La conséquence logique de cette façon de voir les choses est que les substances qui peuvent être utilisées pour atteindre un « état d’euphorie » doivent malgré tout être considérées comme des « médicaments pharmaceutiques » si leur utilisation est supervisée par un professionnel de la santé.
Meta doit dissiper ce flou au sein du Standard de la communauté relatif aux biens et aux services restreints en le modifiant conformément à cette décision. Le Standard doit autoriser noir sur blanc le contenu non rémunéré qui reconnaît l’utilisation de substances entraînant un « état d’euphorie », à condition qu’elles soient administrées sous supervision médicale. Le Standard doit expliquer que la supervision médicale peut être démontrée par certaines indications, comme la mention directe d’un diagnostic médical ou la référence à un prestataire de soins de santé agréé ou à du personnel médical.
S’il applique ce standard au contenu en question, le Conseil estime que la publication doit être supprimée. Cette décision correspondrait aux règles internes de Meta à l’attention des équipes de révision, qui n’autorisent que les contenus dans lesquels l’utilisateur reconnaît avoir utilisé des médicaments pharmaceutiques dans un environnement médical supervisé ou promeut l’utilisation de ceux-ci dans un tel contexte ; elle correspondrait également aux règles qui visent à traiter les substances entraînant un « état d’euphorie » ou un « état mental altéré » comme des substances non médicales. Dans ses échanges avec le Conseil, Meta a affirmé que l’utilisateur concerné a décrit son expérience avec de la « medically administered ketamine » (kétamine administrée médicalement). Le Conseil n’est toutefois pas d’accord avec Meta. En effet, il n’a pas trouvé dans le contenu suffisamment d’indications qui confirment que l’utilisation de la kétamine dans ce cas-ci a eu lieu sous supervision médicale, c’est-à-dire que la substance a été administrée par un professionnel de la santé. Plus précisément, la publication en elle-même ne contenait pas suffisamment d’indications selon lesquelles la dépression a été diagnostiquée par un médecin, ou que le prestataire de soins de santé était une clinique agréée, autorisée à administrer de la kétamine pour traiter la dépression, ou que le traitement a été administré par des professionnels de la santé (elle ne faisait pas directement référence à des « docteurs », « infirmiers », « psychiatres », uniquement à un « staff » [personnel]). Le Conseil est d’avis qu’il serait judicieux pour Meta de fournir ces règles supplémentaires aux équipes de révision de contenu qui appliquent le Standard de la communauté de l’entreprise relatif aux biens et aux services restreints.
II. Mise en application
Selon Meta, l’outil automatisé a évalué le contenu et a déterminé qu’il enfreignait le Standard de la communauté relatif aux biens et aux services restreints le 15 juin 2023 après un troisième signalement d’utilisateur, basant son évaluation « sur les mesures prises précédemment à l’égard de ce contenu ». Meta a précisé que l’outil utilisé dans ce cas-ci était un classificateur « Biens restreints et réglementés ». Les classificateurs à apprentissage automatique sont entraînés à détecter les infractions aux Standards de la communauté de Meta.
Meta a expliqué au Conseil que ses classificateurs « Biens restreints et réglementés » sont entraînés tous les six mois à l’aide des « ensembles de données d’entraînement les plus récentes, qui prennent en compte le résultat des appels ». Dans ce cas-ci, les classificateurs de Meta n’avaient pas encore été ré-entraînés à l’aide du résultat des appels, selon lesquels le contenu était considéré comme conforme. Ainsi, les appels fructueux n’ont pas été pris en compte dans la décision de l’outil automatisé de supprimer le contenu, alors que, selon Meta, les décisions de supprimer le contenu antérieures l’ont été.
Le Conseil s’inquiète de ce délai de six mois et encourage Meta à s’assurer que ses processus automatisés prennent en compte les appels fructueux dès que possible tout en maintenant l’intégrité des ensembles de données. En fin de compte, bien que la décision de l’outil automatisé soit conforme à la conclusion à laquelle le Conseil est arrivé après avoir analysé l’application du Standard de la communauté relatif aux biens et aux services restreints, cette décision ne correspond pas à l’interprétation de sa règle par Meta au moment où elle a été prise.
En réponse aux questions du Conseil sur l’applicabilité des Politiques de contenu de marque de Meta, l’entreprise a reconnu que les contenus avec la mention « Collaboration commerciale » n’étaient pas tous examinés pour savoir s’ils respectaient lesdites politiques, et que les équipes de modération qui travaillent à grande échelle ne voyaient même pas cette mention et qu’elles ne pouvaient pas rediriger les contenus vers l’équipe spécialisée responsable de l’application des Politiques de contenu de marque. Meta a expliqué que le contenu n’était pas évalué au titre des Politiques de contenu de marque lorsqu’une mention « Collaboration commerciale » associée n’avait pas d’abord été examinée et approuvée par le partenaire de marque. Le Conseil invite Meta à s’assurer que ses processus de modération fournissent aux équipes de révision à grande échelle et aux outils automatisés les ressources nécessaires pour examiner les contenus afin de vérifier qu’ils respectent toutes les politiques pertinentes, y compris les Politiques de contenu de marque de Meta, le cas échéant.
Ce cas concerne l’échec de Meta à appliquer ses Politiques de contenu de marque à du contenu rémunéré faisant la promotion de la kétamine. Cela étant, de manière plus générale, le Conseil note qu’il s’agit d’un cas de sous-application des politiques de Meta en matière de substances médicamenteuses et autres. Une enquête récente du Wall Street Journal basée sur l’examen de publicités pendant quatre semaines à la fin de l’année 2022 a découvert « plus de 2100 publicités sur Facebook et Instagram qui décrivaient les avantages de médicaments sur ordonnance sans en citer les risques, qui faisaient la promotion de médicaments dans le cadre d’utilisations non approuvées ou qui contenaient des témoignages sans dévoiler s’ils venaient d’acteurs ou d’employés de l’entreprise ». Le Conseil a également reçu le commentaire public de l’Association nationale des conseils de pharmacie (NABP), qui fait remarquer que les infractions au Standard de la communauté relatif aux biens et aux services restreints de Meta ne sont pas rares sur la plateforme de Meta. Dans ce cas-ci, la NABP a souligné le fait que la kétamine, « clairement promue à des fins récréatives, restait largement disponible à la vente sur Instagram ». Il ne s’agit pas non plus de la première fois que la NABP s’inquiète à ce sujet. Dans le cas Demande d’Adderall de 2021, la NABP a attiré l’attention sur le fait que le « contenu essayant de vendre [de l’Adderall et du Xanax] était resté publié sur Facebook ». Enfin, l’agence fédérale américaine responsable de l’application de la loi relative aux substances réglementées a récemment fait remarquer que les cartels de la drogue utilisaient les plateformes de réseaux sociaux pour vendre leurs produits. Il en ressort que Meta doit reconsidérer de près l’application de ses politiques en matière de vente ou de promotion rémunérée de substances médicamenteuses et autres.
III. Transparence
Alors qu’il cherchait à comprendre si le contenu en question dans ce cas-ci était du contenu de marque, le Conseil a posé à Meta plusieurs questions de clarification, qui lui ont permis d’apprendre que le contenu faisait l’objet d’une « collaboration commerciale ». Meta a expliqué que la mention « Collaboration commerciale » indiquait que « le contenu est du contenu de marque pour lequel le créateur a reçu une compensation, monétaire ou autre, de la part du partenaire commercial. Les créateurs doivent identifier la marque ou le partenaire commercial concerné lorsqu’ils publient du contenu de marque, qu’ils publient depuis un compte personnel, professionnel ou Creator. »
Néanmoins, après avoir été interrogée plus longuement, Meta a précisé que la présence de la mention « Collaboration commerciale » ne signifiait pas nécessairement que le partenaire commercial identifié avait approuvé la mention, parce qu’il « peut accorder à certains comptes Creator l’autorisation de l’identifier dans du contenu de marque (ce qui lui permet de ne plus devoir approuver les tags de chaque publication) ». Cela peut être source de confusion pour les utilisateurs. Meta a orienté le Conseil vers un article des Pages d’aide Meta Business sur ce sujet. Toutefois, plusieurs étapes sont nécessaires pour trouver cet article depuis la page des politiques d’Instagram, et les explications relatives à l’utilisation de la mention « Collaboration commerciale » dans les Pages d’aide d’Instagram laissent penser que toutes les mentions sont approuvées. Le Conseil recommande à Meta de préciser la signification de la mention « Collaboration commerciale » dans son Espace modération, dans les articles de ses Pages d’aide et aux autres endroits où les politiques de l’entreprise sont expliquées aux utilisateurs de manière claire et compréhensible.
8.2 Respect des responsabilités de Meta en matière des droits humains
Le Conseil a estimé que les restrictions sévères imposées par Meta sur le contenu de marque promouvant les substances médicamenteuses et autres et sur le contenu tentant d’acheter, de vendre, de commercialiser, de coordonner la commercialisation, de donner, d’offrir ou de demander des produits non médicaux sont compatibles avec les responsabilités de l’entreprise en matière de droits humains pour « éviter d’avoir des incidences négatives sur les droits de l’homme ou d’y contribuer » et pour « s’efforcer de prévenir ou d’atténuer les incidences négatives sur les droits de l’homme » en vertu du Principe 13 des PDNU. Cela s’avère particulièrement pertinent compte tenu des risques que les publications comme celle qui est analysée ci-dessous représentent pour les droits à la santé et le droit à l’information liée aux sujets de santé. Le Conseil évalue dans ladite analyse cette restriction du discours à la lumière de la responsabilité de Meta en matière de protection de la liberté d’expression (article 19 du PIDCP).
Liberté d’expression (article 19 du PIDCP)
L’article 19, paragraphe 2, du PIDCP fournit une large protection à l’expression. Ce droit inclut « la liberté de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toute espèce ». Dans son observation générale n° 34, le Comité des droits de l’homme énumère les formes d’expression spécifiques qui sont incluses dans l’article 19 et note que le droit à la liberté d’expression « peutégalement inclure les publicités commerciales » (paragraphe 11, emphase ajoutée). Le Conseil estime que le caractère rémunéré du contenu dans ce cas-ci le rend similaire aux publicités et que Meta devrait considérer que le respect pour les contenus rémunérés, y compris les contenus publicitaires et de marque, relève de ses responsabilités en matière de droits humains.
L’article 21 de la CDPH définit des mesures de protection de la liberté d’expression pour les personnes handicapées, ce qui comprend, selon l’article 1er, les « personnes qui présentent des incapacités physiques, mentales, intellectuelles ou sensorielles durables dont l’interaction avec diverses barrières peut faire obstacle à leur pleine et effective participation à la société sur la base de l’égalité avec les autres ». La CDPH garantit qu’elles peuvent exercer cette liberté « sur la base de l’égalité avec les autres et en recourant à tous moyens de communication de leur choix » (article 21 de la CDPH). Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations Unies établit clairement que « l’accès à l’éducation et à l’information en matière de santé » constitue un élément essentiel du droit à la santé consacré par l’article 12 du PIDESC (observation générale n° 14, paragraphe 11). Cela s’avère particulièrement important lorsque l’on sait l’augmentation des cas de dépression et d’autres problèmes de santé mentale dans le monde entier. Comme le Conseil l’a fait remarquer précédemment dans ses décisions, les plateformes de réseaux sociaux doivent respecter la liberté d’expression en matière de médicaments pharmaceutiques et de substances non médicales (cf. Produits pharmaceutiques au Sri Lanka ; Demande d’Adderall® ; Breuvage à base d’ayahuasca).
Lorsque des restrictions de la liberté d’expression sont imposées par un État, elles doivent remplir des critères de légalité, d’objectif légitime, et de nécessité et de proportionnalité (article 19, paragraphe 3 du PIDCP). Ces critères sont souvent qualifiés de « test tripartite » et s’appliquent également aux restrictions du discours commercial ou publicitaire. Le Conseil s’appuie sur ce test pour interpréter les engagements volontaires de Meta en matière de droits humains, à la fois en ce qui concerne sa décision relative au contenu spécifique en cours d’examen et en ce qui concerne l’approche plus globale de Meta en matière de gouvernance du contenu. Comme l’a déclaré le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la liberté d’expression, même si « les entreprises ne sont pas soumises aux mêmes devoirs que les gouvernements, leur influence est néanmoins telle qu’elle doit les inciter à se poser les mêmes questions qu’eux quant à la protection de la liberté d’expression de leurs utilisateurs » ( A/74/486, paragraphe 41).
I. Légalité (clarté et accessibilité des règles)
Le principe de légalité consacré par la législation internationale relative aux droits humains exige que les règles utilisées pour limiter la liberté d’expression soient claires et accessibles par le public (observation générale n° 34, paragraphe 25). Les règles qui limitent la liberté d’expression « ne peu[ven]t pas conférer aux personnes chargées de [leur] application un pouvoir illimité de décider de la restriction de la liberté d’expression » et doivent « énoncer des règles suffisamment précises pour permettre aux personnes chargées de leur application d’établir quelles formes d’expression sont légitimement restreintes et quelles formes d’expression le sont indûment » ( Ibid). Le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la liberté d’expression a déclaré que les règles régissant le discours en ligne devaient être claires et précises ( A/HRC/38/35, paragraphe 46). Les personnes utilisant les plateformes de Meta doivent pouvoir accéder aux règles et les comprendre, et les équipes d’examen de contenu doivent disposer de conseils clairs sur leur application.
Politiques de contenu de marque
Le Conseil est d’avis que les Politiques de contenu de marque de Meta sont suffisamment claires et accessibles aux personnes qui souhaitent prendre part à des « collaborations commerciales », ce qui leur permet de comprendre les conditions à respecter pour pouvoir le faire. Selon le Conseil, il ne fait aucun doute que l’interdiction des contenus de marque qui font la promotion des « drogues et produits connexes » englobe les services au cours desquels les substances sont administrées. Compte tenu de la prolifération des thérapies à base de kétamine pour traiter la dépression, il serait plus clair de préciser que les traitements et les thérapies à base de substances sont interdits dans le contenu issu de « collaborations commerciales ».
En outre, la politique stipule clairement que les médicaments délivrés sur ordonnance et les pharmacies peuvent faire l’objet d’une collaboration commerciale uniquement si « le partenaire commercial [est] autorisé à promouvoir ses services ». La liste est claire et concise, même si la relation entre la règle générale et cette exception apparente pourrait être mieux expliquée. Le Conseil note que deux versions des Politiques de contenu de marque sont disponibles en ligne : l’une dans les Pages d’aide Business de Meta, qui semble s’appliquer aussi bien à Facebook qu’à Instagram (et qui est accessible depuis la liste des politiques relatives au contenu de l’Espace modération), et l’autre dans les Pages d’aide d’Instagram, qui semble s’appliquer à Instagram. Bien que ces deux versions semblent cohérentes, il serait plus clair de supprimer l’un des doublons.
Le Conseil se dit très inquiet de voir que les équipes de modération à grande échelle ne sont pas en mesure de voir qu’un contenu fait l’objet d’une « collaboration commerciale » lorsqu’elles examinent de tels contenus. En effet, les équipes de révision ne sont pas à même de déterminer si elles doivent également vérifier que les Politiques de contenu de marque, en plus des Standards de la communauté, s’appliquent bien à un contenu donné. À cause de cette approche, les Politiques de contenu de marque de Meta sont bien plus susceptibles d’être sous-appliquées. La saga qui a entouré pendant plusieurs mois la publication du créateur de contenu en question dans ce cas-ci aurait pu être évitée si le contenu avait été correctement examiné pour vérifier qu’il respectait bien les Politiques de contenu de marque lorsqu’il a été signalé pour la première fois à la fin du mois de décembre 2022. Tous les contenus de marque qui impliquent la promotion de substances pharmaceutiques devraient être évalués de manière proactive, avant ou peu de temps après leur publication.
Standard relatif aux biens et aux services restreints
Le Conseil estime que les définitions de « substances non médicales » et de « médicaments pharmaceutiques » adoptées par le Standard relatif aux biens et aux services restreints ne remplissent pas le critère de légalité. Comme nous l’avons expliqué ci-dessus, les deux règles se contredisent lorsqu’elles s’appliquent à l’utilisation sous supervision médicale de médicaments sur ordonnance qui peuvent entraîner un « état d’euphorie » ou un « état mental altéré ». Les règles relatives aux « médicaments pharmaceutiques » semblent autoriser un tel contenu, tandis que les règles sur les « substances non médicales » ont l’air de l’interdire.
Le Conseil estime que les règles ne sont pas claires et que les équipes de révision doivent être mieux guidées. Des règles claires sont avant tout indispensables pour les personnes dont le droit à la liberté d’expression risque d’être restreint. Cela étant, ces règles sont tout aussi importantes pour les personnes qui doivent veiller à leur application. Les équipes de révision devant prendre des décisions rapidement, elles doivent avoir à leur disposition des règles à appliquer en toute confiance.
Le Conseil se dit également très inquiet de voir que le Standard de la communauté de Meta relatif aux biens et aux services, qui, de manière générale, interdit « de tenter d’acheter, de vendre ou de commercialiser » des médicaments pharmaceutiques ou des substances non médicales, peut être appliqué avec incohérence. Comme le Conseil l’a souligné dans le cas Demande d’Adderall, lorsqu’aucune mesure n’est prise contre du contenu en infraction, « l’incohérence de la mise en application pourrait engendrer une certaine confusion quant à ce qui est autorisé sur Facebook ».
II. Objectif légitime
En vertu de l’article 19, paragraphe 3, du PIDCP, la liberté d’expression peut être restreinte pour toute une série de raisons limitées et définies. Dans ce cas-ci, le Conseil estime que les dispositions des Politiques de contenu de marque et du Standard de la communauté relatif aux biens et aux services restreints sur la promotion des substances non médicales et sur les tentatives d’acheter, de vendre ou de commercialiser des médicaments pharmaceutiques et des substances non médicales remplissent l’objectif légitime de protéger la santé publique. Elles protègent également les droits des autres personnes, y compris le droit à la santé et le droit à l’information liée aux sujets de santé (cf. le cas Produits pharmaceutiques au Sri Lanka).
III. Nécessité et proportionnalité
Le principe de nécessité et de proportionnalité stipule que les restrictions de la liberté d’expression « doivent être appropriées pour remplir leur fonction de protection ; elles doivent constituer le moyen le moins perturbateur parmi ceux qui pourraient permettre d’obtenir le résultat recherché » [et] « elles doivent être proportionnées à l’intérêt à protéger » ( observation générale n° 34, paragraphe 34).
Comme expliqué dans la section 2 ci-dessus, les cas de dépression se sont multipliés dans le monde entier. C’est en partie pour cette raison qu’une augmentation de l’utilisation de la kétamine pour traiter la dépression a été constatée. Bien que prometteurs, ces traitements n’en sont qu’à leurs débuts. En outre, les abus de kétamine à des fins récréatives semblent eux aussi être en hausse. Dans ce contexte, la suppression du contenu constitue une restriction nécessaire et proportionnelle du droit à la liberté d’expression dans le but de protéger la santé publique et le droit des personnes à la santé et à l’information liée aux sujets de santé.
Politiques de contenu de marque
Le Conseil trouve que les critères éthiques de l’OMS en matière de promotion des médicaments sont éclairants. D’après ces critères, « pour lutter contre l’addiction et la dépendance aux drogues », les substances (en particulier les narcotiques et les psychotropes) « ne doivent pas faire l’objet d’une promotion au sein du grand public » (paragraphe 14). Bien que ces critères aient été établis des dizaines d’années avant l’apparition des réseaux sociaux, ils semblent encore plus pertinents aujourd’hui. Le Conseil a pris en compte des éléments de contexte supplémentaires aux États-Unis dans sa réflexion sur la nécessité et la proportionnalité de l’interdiction de la promotion des médicaments et autres substances établie dans les Politiques de contenu de marque. Selon un reportage du Wall Street Journal, deux entreprises de télémédecine qui faisaient beaucoup de publicités pour leurs services sur les plateformes de Meta font l’objet d’enquêtes de la part du Département américain de la Justice « depuis que le Journal a rapporté que certains cliniciens se sentaient obligés de prescrire des stimulants » et que certains patients et certains employés « avaient déclaré que leurs pratiques de marketing contribuaient à l’utilisation abusive de substances réglementées ».
Par conséquent, le Conseil estime nécessaire de restreindre la promotion des thérapies à base de kétamine dans le cadre de « collaborations commerciales » afin de limiter le risque de promouvoir l’usage récréatif de la kétamine parmi les utilisateurs de Facebook et d’Instagram. Publié dans le cadre d’une « collaboration commerciale », le contenu relatif à des sujets de santé, en particulier s’il se rapporte à des substances qui peuvent facilement faire l’objet d’abus, comporte le risque de nuire aux droits à la santé et à l’accès aux informations liées aux sujets de santé dont jouissent les utilisateurs. Ces risques augmentent lorsque des influenceurs sur les réseaux sociaux reçoivent des avantages significatifs pour offrir à des entreprises un accès à leurs nombreux abonnés, qui peuvent se trouver dans un état de santé vulnérable. Lorsqu’une promotion rémunérée concerne soit un traitement médical nécessaire, soit des usages récréatifs illicites, il incombe à Meta de reconnaître les risques d’abus qui découlent de sa plateforme. Selon le Conseil, les publications commerciales qui font la promotion d’un service ou d’une substance en particulier doivent être distinguées des publications non commerciales. Les restrictions qui peuvent être jugées disproportionnées pour le contenu non rémunéré sur les « médicaments pharmaceutiques » et les « substances non médicales » peuvent être proportionnées lorsqu’elles s’appliquent à du contenu rémunéré qui fait la promotion des mêmes services ou produits.
Le Conseil s’est posé la question de savoir s’il serait plus approprié de limiter ce type de contenu rémunéré à l’aide de moyens moins intrusifs, par exemple en n’autorisant que les utilisateurs d’un certain âge à le voir, comme Meta le fait déjà pour l’alcool et le tabac (des substances qui peuvent aussi altérer l’état mental des individus). Cependant, les risques associés à ce type de contenu ne se limitent pas aux jeunes publics. Les personnes adultes aussi peuvent être sensibles aux témoignages des « patients influenceurs », en particulier lorsqu’ils présentent sous un jour positif certains traitements médicaux qui peuvent ne pas convenir à tout le monde, qu’ils n’émettent pas les avertissements de sécurité appropriés ou qu’ils minimisent les risques. Conformément aux critères éthiques de l’OMS, le Conseil estime que les restrictions sévères que Meta impose aux « collaborations commerciales » sont proportionnées au contenu en question dans ce cas-ci.
Bien que le Conseil trouve que la publication n’aurait pas dû être autorisée dans le cadre d’une « collaboration commerciale », il est également préoccupé par le traitement de tels partenariats dans les rares cas de figure où le contenu peut promouvoir des médicaments pharmaceutiques ou délivrés sur ordonnance. Plus précisément, le Conseil note qu’il suffirait que la mention « Collaboration commerciale » fasse état de la relation économique qui existe dans ce contexte. Un influenceur peut appliquer la même mention à une publication faisant la promotion d’un nouveau restaurant qu’à du contenu faisant la promotion d’un nouveau traitement ou d’un médicament expérimental. Dans ce dernier cas, le Conseil s’inquiète du manque de visibilité de ces mentions et du manque d’informations sur mesure pour soit mettre en évidence les risques, soit rediriger vers des ressources supplémentaires liées à ces risques.
Le Conseil prend note du fait que l’approche relative aux mentions « Collaboration commerciale » diffère fortement de l’approche de Meta en matière de « traitement des informations » que l’entreprise applique avec certaines catégories de fausses informations liées à la santé. Dans ce dernier cas, les mentions redirigent vers des ressources supplémentaires mises à disposition par des médias de vérification des informations ou par des autorités de santé publique, par exemple (cf. Suppression des fausses informations sur le COVID-19). Le Conseil note également qu’en autorisant les utilisateurs à aimer et à commenter de telles publicités, ceux-ci risquent d’être ciblés par les personnes qui font la promotion de kétamine ou d’autres substances illicites sur les plateformes de Meta. Certains de ces individus peuvent souffrir de dépression et/ou avoir un accès limité à des traitements efficaces. Cela les rend particulièrement vulnérables, ce qui peut conduire à leur exploitation.
Standard de la communauté relatif aux biens et aux services restreints
D’après son interprétation de ce Standard de la communauté, le Conseil estime qu’il restreint la liberté d’expression de manière nécessaire et proportionnée à l’objectif poursuivi, à savoir prévenir l’abus de substances. Le Conseil fait une distinction entre ce cas-ci et le cas précédent, Demande d’Adderall, pour lequel il n’avait trouvé aucun lien direct ou immédiat entre le contenu et le risque de préjudices. Dans le second cas, l’utilisateur cherchait simplement à obtenir des conseils sur la manière de communiquer avec son médecin au sujet d’un traitement ; il n’avait pas l’intention de vendre, d’obtenir de manière illégale ou de promouvoir Adderall. À l’inverse, dans ce cas-ci, l’utilisateur cherche activement à promouvoir l’utilisation de la kétamine sans insister sur la nécessité d’une supervision médicale, ce qui pose un risque substantiel pour la sécurité des utilisateurs, en particulier lorsque, compte tenu de l’échelle de la plateforme, ce contenu vient s’ajouter aux autres contenus similaires. Le Standard de la communauté de Meta relatif aux biens et aux services restreints doit autoriser le contenu discutant de l’utilisation de kétamine, mais uniquement lorsque cette utilisation se fait sous supervision médicale. Contrairement à Meta, le Conseil n’a pas trouvé suffisamment d’indications dans le corps de la publication concernée pour confirmer que l’utilisation de la kétamine s’est déroulée sous supervision médicale.
Le Conseil s’est posé la question de savoir si cette restriction devait être plus souple et autoriser le contenu décrivant une utilisation sous supervision « thérapeutique ». Il a tenu compte de l’étude citée par Meta, qui n’a relevé aucune overdose ni aucun décès consécutif à l’utilisation de la kétamine en tant qu’antidépresseur dans un « contexte thérapeutique » aux États-Unis. Le Conseil s’oppose à cette approche plus souple, cependant, et ce pour plusieurs raisons. Tout d’abord, il constate une augmentation avérée de l’utilisation illicite de la kétamine. Par conséquent, le statu quo de 2022 ne peut être considéré comme un point de départ fiable lorsqu’il s’agit de réfléchir à la manière de lutter contre les abus. Ensuite, il note que l’élasticité du terme « thérapeutique » compliquerait la tâche des équipes de révision qui doivent appliquer la politique. Enfin, le Conseil accorde de l’importance aux professionnels de la santé implicitement mentionnés dans la définition de Meta des « médicaments pharmaceutiques » et des « substances non médicales », comme expliqué à la section 8.1 ci-dessus.
Le Conseil s’est également demandé si la restriction relative à la « supervision médicale » entrait en conflit avec sa décision précédente dans le cas sur le breuvage à base d’ayahuasca. Dans ce cas-là, le Conseil a recommandé à Meta de modifier ses règles pour permettre aux utilisateurs de discuter de manière positive des utilisations traditionnelles ou religieuses de substances non médicales. Le Conseil n’a pas exigé que l’utilisation de la substance ait lieu sous supervision médicale.
Nous estimons que la restriction liée à la « supervision médicale » est cohérente avec notre analyse dans le cas sur le breuvage à base d’ayahuasca. Les utilisations traditionnelles et religieuses d’une substance s’inscrivent dans un contexte particulier qui sert de protection contre les effets néfastes. Selon des spécialistes, « en ce qui concerne les plantes à usage traditionnel, leur sécurité et leur efficacité sont démontrées par la longue histoire de leur utilisation ». En outre, comme l’a indiqué le Conseil dans le cas sur le breuvage à base d’ayahuasca, ces rituels revêtent une certaine dignité en raison de leur lien avec l’identité spirituelle et traditionnelle de plusieurs communautés.
9. Décision du Conseil de surveillance
Le Conseil de surveillance annule la décision de Meta de ne pas prendre de mesures à l’égard de ce contenu issu d’une collaboration commerciale et demande que la publication soit supprimée.
10. Recommandations
Politique de contenu
1. Meta doit clarifier la signification de la mention « Collaboration commerciale » dans son Espace modération et dans les Pages d’aide d’Instagram. Cela consiste notamment à expliquer le rôle des partenaires professionnels dans le processus d’approbation de la mention « Collaboration commerciale ». Le Conseil considérera que cette recommandation a été adoptée lorsque les Politiques de contenu de marque de Meta auront été mises à jour afin de refléter ces précisions.
2. Meta doit clarifier le Standard de la communauté relatif aux biens et aux services restreints pour préciser que le contenu qui « admet ou promeut l’utilisation de substances pharmaceutiques » est autorisé même lorsque cette utilisation peut entraîner un « état d’euphorie » dans un « environnement médical supervisé ». Meta doit également définir ce qu’est un « environnement médical supervisé » et expliquer dans son Standard de la communauté relatif aux biens et aux services restreints que la supervision médicale peut être démontrée par certaines indications, comme la mention directe d’un diagnostic médical ou la référence à un prestataire de soins de santé agréé ou à du personnel médical. Le Conseil considérera que cette recommandation a été adoptée lorsque le Standard de la communauté de Meta relatif aux biens et aux services restreints aura été mis à jour afin de refléter ces précisions.
Mise en application
3. Meta doit améliorer ses procédures de révision pour s’assurer que le contenu créé dans le cadre d’une « collaboration commerciale » est examiné pour vérifier qu’il respecte toutes les politiques applicables (par exemple, les Standards de la communauté et les Politiques de contenu de marque), étant donné que Meta n’examine actuellement pas tous les contenus de marque au titre des Politiques de contenu de marque. Meta doit notamment établir une procédure pour que les équipes de révision de contenu à grande échelle puissent transmettre les contenus qui peuvent enfreindre les Politiques de contenu de marque de Meta à des systèmes automatisés ou à des équipes formés en conséquence et capables de les appliquer, le cas échéant. Le Conseil considérera que cette recommandation a été adoptée lorsque Meta fera état de sa logique améliorée de transfert des contenus à examiner et montrera comment elle permet à toutes les politiques de plateforme/contenu pertinentes d’être appliquées lorsqu’il est fort probable qu’un contenu enfreigne l’une ou l’autre des politiques susmentionnées.
4. Meta doit auditer l’application des dispositions de ses Politiques de contenu de marque (« Il est ainsi interdit de faire la promotion des éléments suivants : […] 4. Drogues et produits connexes, y compris substances illégales et drogues récréatives ») et de son Standard de la communauté relatif aux biens et aux services restreints (« Ne publiez pas de contenu qui tente d’acheter des médicaments non médicaux, d’en vendre, d’en commercialiser, d’en coordonner le commerce, d’en faire don, de les offrir ou d’en solliciter »). Le Conseil estime que Meta a adopté des approches claires et légitimes qui imposent des restrictions sévères à la promotion rémunérée de substances (en vertu de ses Politiques de contenu de marque) et aux tentatives d’acheter, de vendre ou d’échanger des substances (en vertu de son Standard de la communauté relatif aux biens et aux services restreints). Cependant, certaines indications laissent penser que ces politiques pourraient être appliquées de manière incohérente. Pour vérifier si cela est le cas, Meta doit se soumettre à un audit de la manière dont ses Politiques de contenu de marque et son Standard de la communauté relatif aux biens et aux services restreints sont appliqués à l’égard des médicaments pharmaceutiques et des substances non médicales. L’entreprise doit ensuite résorber toutes les lacunes de ses procédures de modération. Le Conseil considérera que cette recommandation a été adoptée lorsque Meta fera état de sa méthodologie et des résultats de cet audit et dévoilera comme elle entend dissiper les flous réglementaires révélés par celui-ci.
*Note de procédure :
Les décisions du Conseil de surveillance sont préparées par des panels de cinq membres et approuvées par une majorité du Conseil. Elles ne représentent pas nécessairement les opinions personnelles de tous ses membres.
Pour la décision sur ce cas, des recherches indépendantes ont été commandées au nom du Conseil. Le Conseil a bénéficié de l’aide de Duco Advisors, une société de conseil spécialisée dans la géopolitique, la confiance et la sécurité, ainsi que la technologie. Memetica, une organisation qui effectue des recherches open source sur les tendances des réseaux sociaux, a également fourni une analyse.
Retour aux décisions de cas et aux avis consultatifs politiques