Déclarations à propos du Premier ministre japonais

Dans le cas de la réponse d’un utilisateur à une publication Threads à propos du Premier ministre japonais et d’un scandale de fraude fiscale, la suppression du contenu n’était ni nécessaire ni cohérente avec les responsabilités de Meta en matière de droits humains. Ce cas s’intéresse de près à la manière dont Meta doit faire la distinction entre les menaces de violence abstraites et celles qui sont bien réelles. Le Conseil a fréquemment mis en évidence des cas de surmodération qui pénalisent les menaces figurées. Que la politique de Meta sur la violence et l’incitation ne distingue toujours pas clairement les menaces littérales des menaces abstraites est inquiétant. Dans ce cas-ci, la menace à l’encontre d’une personnalité politique servait de critique politique non littérale, attirait l’attention sur un scandale de corruption présumée et employait des termes grossiers, ce qui n’est pas rare sur les réseaux sociaux japonais. Il était peu probable qu’elle porte préjudice. Bien que les deux modérateurs impliqués parlent japonais et comprennent le contexte sociopolitique de la région, ils ont commis l’erreur de supprimer le contenu. Aussi Meta devrait-elle fournir à ses équipes d’examen de contenu des consignes supplémentaires sur la manière d’évaluer le langage et le contexte local et s’assurer que ces règles internes sont cohérentes avec la justification de ses politiques.

À propos du cas

En janvier 2024, une personne a partagé une publication sur Threads à propos d’un article de presse sur le Premier ministre japonais, Fumio Kishida, et la réponse qu’il a apportée au sujet des irrégularités constatées lors des collectes de fonds qui impliquaient son parti. La légende de la publication accuse le Premier ministre d’évasion fiscale. Un utilisateur y a répondu publiquement, exigeant que des explications soient données à l’organe législatif japonais, qualifiant le Premier ministre d’évadé fiscal et employant le mot « hah » et l’expression « 死ね », que l’on peut traduire par « drop dead/die » (meurs) en anglais. L’expression figurait parmi plusieurs hashtags, et la réponse de l’utilisateur comportait également un terme dénigrant utilisé pour désigner une personne qui porte des lunettes.

La réponse de l’utilisateur à la publication sur Threads n’a pas reçu de mention « J’aime » et n’a été signalée qu’une seule fois pour violation des règles de Meta sur le harcèlement et l’intimidation. Trois semaines plus tard, un modérateur a déterminé que le contenu enfreignait plutôt la politique sur la violence et l’incitation. Lorsque l’utilisateur a fait appel, un autre modérateur a confirmé que le contenu était en infraction. L’utilisateur a alors fait appel auprès du Conseil. Après que le Conseil a sélectionné le cas, Meta a déterminé que sa décision initiale était incorrecte et a restauré la réponse de l’utilisateur sur Threads.

À peu près au moment du partage de la publication Threads initiale et de la réponse de l’utilisateur, des personnalités politiques japonaises du Parti libéral-démocrate ont été mises en examen pour avoir omis de déclarer de l’argent obtenu lors de collectes de fonds ; le Premier ministre Kishida n’en faisait pas partie. Depuis 2022, année lors de laquelle l’ancien Premier ministre Shinzo Abe a été assassiné, la violence politique est devenue un sujet de préoccupations au Japon.

Fumio Kishida a récemment annoncé qu’il ne chercherait pas à se faire réélire à la tête du Parti libéral-démocrate le 27 septembre 2024 et qu’il allait quitter ses fonctions de Premier ministre.

Principales observations

Le Conseil estime que l’expression « drop dead/die » (meurs) (traduite de l’original « 死ね ») n’est pas une menace crédible et qu’elle n’enfreint donc pas la règle sur la violence et l’incitation qui interdit les « menaces de violence pouvant entraîner la mort ». Des spécialistes ont confirmé que l’expression était utilisée au sens large et de manière figurée pour marquer son aversion et sa désapprobation. Le contenu laisse également penser que l’expression ne doit pas être prise à la lettre en raison du mot « hah », qui exprime de l’amusement ou de l’ironie.

Néanmoins, la règle de Meta sur la violence et l’incitation qui interdit les appels à la mort (de type « mort à ») des personnes à haut risque n’est pas suffisamment claire. La justification de la politique de Meta suggère que le contexte est pris en compte lors de l’évaluation des menaces. Toutefois, comme le Conseil l’a fait remarquer dans un cas précédent, les équipes d’examen de contenu à grande échelle de Meta n’ont pas les moyens de déterminer l’intention ou la crédibilité d’une menace. Ainsi, si une publication comprend des menaces de type « mort à » et une cible (p. ex., « un appel à la violence à l’égard d’une cible »), elle est supprimée. Réitérant une recommandation datant de 2022, le Conseil appelle Meta à inclure une précision dans le texte public de sa politique pour expliquer que les menaces rhétoriques de type « mort à » sont généralement autorisées, sauf si elles concernent des individus à haut risque, et pour fournir des critères relatifs aux situations dans lesquelles les menaces à l’encontre de chefs d’État sont autorisées afin de protéger le discours politique rhétorique.

Par ailleurs, la différence de traitement entre les « personnalités publiques » et les « personnes à haut risque » dans la politique est source de confusion. Pour le moment, les menaces de violence de moyenne gravité à l’égard de personnalités publiques ne sont supprimées que lorsqu’elles sont « crédibles », tandis que les menaces sont supprimées « quelle que soit leur crédibilité » lorsqu’elles concernent toute autre cible. Encore plus déroutante, une autre ligne de cette politique accorde des « protections supplémentaires » aux individus à haut risque. À ce sujet, les consignes internes à l’attention des équipes d’examen de contenu, qui ne sont pas accessibles au public, indiquent spécifiquement que les contenus de type « mort à » à l’encontre de ces personnes à haut risque doivent être supprimés. Interrogée par le Conseil, Meta a expliqué que sa politique offrait une meilleure protection au discours des utilisateurs qui impliquait des menaces de moyenne gravité à l’égard de personnalités publiques parce que les gens utilisent souvent des hyperboles pour faire part de leur dédain sans toutefois appeler à la violence. Néanmoins, les menaces de violence de haute gravité, y compris les appels à la mort d’individus à haut risque, présentent un plus grand risque de préjudice hors ligne. Dans ce cas-ci, Meta a déterminé que le Premier ministre japonais entrait dans les deux catégories. Le Conseil doute sérieusement que les définitions de « personnalités publiques » et de « personnes à haut risque » de la politique soient suffisamment claires pour les utilisateurs, d’autant que les deux catégories se chevauchent.

À la suite des recommandations précédentes du Conseil, Meta a révisé ses politiques pour trouver un meilleur équilibre entre les discours violents et les discours politiques, mais elle n’a pas encore clarifié publiquement ce que désignait le terme « personnes à haut risque ». Le Conseil estime qu’une définition générale accompagnée d’exemples dans les Standards de la communauté permettrait aux utilisateurs de comprendre que cette protection est fondée sur l’occupation, l’activité politique ou les fonctions publiques de la personne. Le Conseil a établi une liste de ce genre dans le cas Slogan de protestation en Iran (2022).

Décision du Conseil de surveillance

Le Conseil a annulé la décision initiale de Meta de supprimer le contenu.

Le Conseil recommande à Meta de :

  • Mettre à jour sa politique sur la violence et l’incitation pour fournir une définition générale des « personnes à haut risque », préciser que ce terme englobe les individus tels que les responsables politiques, qui peuvent être davantage exposés aux assassinats ou à d’autres formes de violence, et donner des exemples.
  • Mettre à jour ses consignes internes à l’attention des équipes d’examen de contenu à grande échelle qui concernent les appels à mort qui utilisent l’expression « mort à » à l’encontre de « personnes à haut risque », en particulier pour autoriser les publications qui expriment du dédain ou un désaccord par le biais de formes désinvoltes et peu sérieuses de menaces de violence. Le contexte local et le langage doivent être pris en considération.
  • Ajouter, dans ses règles sur la violence et l’incitation, un lien vers sa définition de « personnalités publiques » qui figure dans sa politique sur le harcèlement et l’intimidation, ainsi que vers les autres standards de la communauté pertinents dans lesquels de telles personnalités sont mentionnées.

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